D’ordinaire abonné aux insipides comédies romantiques, Ashton Kutcher incarne un convaincant Steve Jobs dans le biopic consacré au charismatique co-fondateur d’Apple. Entretien avec le beau gosse d’Hollywood le plus accro aux nouvelles technologies.
Beau gosse à la silhouette dégingandée, Ashton Kutcher est surtout célèbre pour ses rôles de jeune premier dans de populaires sitcoms ("That ‘70s Show", "Mon oncle Charlie") ou d’insipides comédies romantiques ("Valentine’s Day", "Sex Friends") – quand ce n’est pas pour son statut d’ancien jeune époux de Demi Moore.
Une image que l’acteur n’a pas hésité à bousculer en endossant les habits très 70’s du charismatique co-fondateur d’Apple, Steve Jobs, dont le fade biopic sort sur les écrans français ce mercredi 21 août. Contre toute attente, le comédien y incarne le gourou des nouvelles technologies, décédé en 2011, avec une grâce et un panache qui délivrent bien souvent le film de sa monotonie.
En visite à Paris cet été pour la promotion de "Jobs", Ashton Kutcher évoque pour FRANCE 24 sa carrière, ses sources d’inspiration et le défi que représente le fait de jouer une icône, aussi adulée que détestée, de l’Amérique des temps modernes.
FRANCE 24 : Dans le film, on voit un Steve Jobs qui maltraite ses employés, trahit ses amis et quitte sa petite amie alors qu’elle est enceinte. Pourtant, vous semblez éprouver une certaine empathie pour le personnage. Quel regard portez-vous non pas sur l’entrepreneur à succès mais sur l’homme qu’était Steve Jobs ?
Ashton Kutcher : Quiconque essaie de créer quelque chose dans le but de changer la vie des gens peut parfois considérer le quotidien comme une source d’inutiles distractions. Et les personnes n’attachant que peu d’importance à son projet lui paraîtront sans intérêt.
Si Steve Jobs pouvait sembler antipathique, c’est, je pense, parce qu’il s’était mis en tête de poursuivre coûte que coûte son but, celui de mettre les nouvelles technologies au service de la vie des gens. Il était animé d’une telle passion qu’il pouvait en devenir odieux. Personnellement, je peux comprendre cette attitude. Il nous est déjà tous arrivé d’être agacé par un proche qui vient nous distraire alors qu’on est plongé dans un projet nous tenant à cœur.
Finalement, près de 90 % des employés d’Apple appréciaient Steve Jobs. On a tous entendu parler de ses accès de colère mais, dans le domaine du sport, par exemple, la plupart des entraîneurs hurlent eux aussi sur leurs joueurs pour les motiver. Je ne dis pas que cela fonctionnerait pour moi, mais cela marche pour certains d’entre nous.
D’une certaine manière, le monde était, pour lui, assez binaire : tu étais soit un génie, soit un imbécile.
N’était-ce pas trop impressionnant de s’attaquer à un personnage aussi emblématique ? Comment avez-vous abordé ce rôle ?
J’étais terrifié. D’abord, parce que j’admire beaucoup son travail. Ensuite, parce que j’ai des amis et des collègues qui ont un jour travaillé avec lui ou qui comptaient parmi ses proches. Enfin, parce que son décès est récent et qu’il existe tant d’images de lui qu’on peut tout de suite juger si ma performance est réaliste ou non.
Pour ce rôle, je me suis impliqué comme pour aucun autre auparavant. Trois mois durant, j’ai regardé des centaines d’heures de vidéos et écouté 20 heures de bandes audio dans ma voiture ou dans mon lit afin de capter son phrasé, son débit, ses intonations. J’ai également travaillé avec un coach et rencontré des personnes qui l’avaient bien connu pour glaner le maximum d’informations sur sa personnalité.
Mais, je pense que chaque rôle représente un challenge. Parfois, les gens regardent une sitcom en pensant que c’est relativement simple d’y jouer. Mais ils oublient que les acteurs n’ont que du lundi au jeudi pour répéter des dialogues qu’ils doivent réciter devant un public le vendredi. C’est donc totalement différent d’un tournage de long-métrage où l’on ne joue parfois que 30 secondes pour une prise.
Serez-vous désormais davantage enclin à interpréter des rôles plus consistants, plus dramatiques, plus sombres que ceux des comédies romantiques ?
Je n’en sais rien. J’ai toujours fait de mon mieux pour décrocher les meilleurs films et me faire diriger par les meilleurs réalisateurs. J’ai la chance de jouer dans une série télévisée à succès ["Mon oncle Charlie"] qui me permet de payer mes factures, et, parallèlement, d’avoir, depuis deux ans, un boulot d’investisseur dans les nouvelles technologies. Je suis financièrement à l’aise et peux donc désormais choisir mes rôles sur des critères strictement artistiques. Aujourd’hui, je n’ai plus à jouer par nécessité et peux me laisser guider par la passion. C’est libérateur, mais cela peut aussi être contraignant. Lorsque vous pouvez faire ce que vous voulez, vous avez obligation d’exécuter quelque chose d’exceptionnel. C’est assez effrayant.
Quels sont les acteurs, actuels ou anciens, qui vous inspirent ?
J’aime des gens comme Steve McQueen ou Marlon Brando, qui pouvaient tout jouer. J’adore aussi le jeu de Cary Grant.
Parmi mes contemporains, je trouve que Ryan Gosling est un formidable acteur qui apporte beaucoup de soin à son travail. Et j’aimerais avoir les tripes d’un Johnny Depp qui transcende toujours ses personnages. Quand il endosse un rôle, il le fait comme personne d’autre le ferait.
Et, ai-je besoin de le dire, je trouve que Meryl Streep est une comédienne incroyable. En tant qu’acteur, lorsque je la vois jouer, je me dis : "Mais comme fait-elle ? Je ne saurai pas faire ça !" Elle est grandiose.