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IBK et Cissé au second tour : duel entre deux figures de la politique malienne

Soumaïla Cissé (à g.) et Ibrahim Boubacar Keita s'affronteront le 11 août lors du second tour de la présidentielle. Ces deux personnalités majeures du Mali ont émergé sur la scène politique après la chute de la dictature, en 1991. Portraits.

Ibrahim Boubacar Keïta, dit "IBK", et Soumaïla Cissé s’affrontent, le 11 août, au second tour. Ces deux sexagénaires issus du même sérail politique sont des figures historiques du pouvoir malien : tous deux sont entrés en politique au moment de la chute du dictateur Moussa Traoré, renversé en 1991, ils ont occupé des postes ministériels, et se sont portés candidats lors de précédentes élections présidentielles.

Ibrahim Boubacar Keïta ("IBK") : 39,24 % des voix au premier tour

Vieux briscard de la politique malienne, IBK est le premier des 27 candidats à la présidentielle du 28 juillet à s’être déplacé à Kidal, bastion touareg dans le nord-est du pays, où les troupes maliennes n’ont pu reprendre position que début juillet.

"Pour l’honneur du Mali, je ramènerai la paix et la sécurité. Je renouerai le dialogue entre tous les fils de notre nation. Je rassemblerai notre peuple autour des valeurs qui ont construit notre histoire : dignité, intégrité, courage et travail", a-t-il martelé au cours de la campagne.

L’homme a fait ses premières armes politiques auprès d’Alpha Oumar Konaré, premier président de l’ère démocratique malienne (1992-2002), dont il est le porte-parole de campagne. En 1993, IBK est nommé chef de la diplomatie malienne, puis Premier ministre l’année suivante.

Confronté à de violents mouvements étudiants, il reprend à son compte : "Non à la chienlit !", l’expression du général de Gaulle pendant les révoltes de Mai-68 en France. Il réprime sévèrement les grévistes, ferme les écoles et emprisonne les opposants à Alpha Oumar Konaré. Cet épisode, loin de le desservir, lui confère une solide réputation d’homme à poigne, dont il jouit encore aujourd’hui.

IBK démissionne de son poste de Premier ministre en 2000 et crée, l'année suivante, son propre parti, le Rassemblement pour le Mali (RPM). Candidat malheureux à la présidentielle de 2002, il devient président de l’Assemblée nationale (2002-2007), avant de perdre une nouvelle fois face à Amadou Toumani Touré (ATT) à l’élection présidentielle de 2007.

Lors du coup d’État contre Amadou Toumani Touré en 2012, IBK est resté très discret, s’abstenant de participer au concert de condamnations. Il se targue aujourd’hui de pouvoir compter sur le soutien de l’armée malienne.
 

Soumaïla Cissé ("Soumi") : 19,44 % des voix au premier tour

Originaire de Niafunké, une petite ville proche de Tombouctou, Soumaïla Cissé, 63 ans, parle couramment le peul, le bambara, le shongaï et le français. Il est le seul des 27 candidats à la présidentielle malienne à avoir entamé sa campagne dans le nord du Mali, en tenant son premier meeting à Mopti, "la dernière ville libre avant d’entrer dans l’enfer du Nord occupé par les djihadistes et les irrédentistes touaregs".

Son credo : "tout le monde doit mettre la main à la pâte". Fort de brillantes études universitaires et de deux mandats à la tête de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), l’homme, au visage sage et avenant, est perçu par les Maliens comme un technocrate. "Compte tenu de l’ampleur de la crise que nous connaissons, c’est un sérieux atout", assure-t-il.

"Soumi" entre en politique au début des années 1990, aux côtés d’Alpha Oumar Konaré, avec qui il crée l’Alliance pour la démocratie au Mali - Parti africain pour la solidarité et la justice (Adéma-PASJ). Lorsque Konaré remporte la présidentielle de 1992, il est nommé secrétaire général de la présidence de la République. Il est ensuite successivement nommé à la tête du ministère des Finances, puis de l’Équipement et de l’Aménagement du territoire, poste qu’il quitte en 2002.

Investi, la même année, candidat à la présidentielle par son parti, il bat de peu IBK au premier tour avant de s’incliner face à Amadou Toumani Touré au second tour, avec moins de 35 % des voix. Il quitte alors l’Adéma-PASJ et crée l’Union pour la démocratie et la république (UDR), parti qui devient, en quelques années, une redoutable machine politique. Sa nomination, en 2004, à la tête de l’UEMOA, basé à Ouagadougou au Burkina Faso, l’éloigne quelques années de la politique malienne. Il revient en 2011 dans son pays, et est investi candidat à la présidentielle, initialement prévue en avril 2012.

Il condamne fermement le coup d’État contre Amadou Toumani Touré, en mars 2012. Dans une lettre ouverte publiée par "Jeune Afrique", il fustige "l’acte réactionnaire le plus bas de l’histoire politique du Mali au cours des 20 dernières années". Cette prise de position lui vaut d'être brutalement arrêté parmi d'autres par les hommes armés du capitaine Amadou Haya Sanogo, chef des putschistes. Aujourd'hui, il appelle "à l'effacement" de la scène de Sanogo et de sa junte, qui exercent encore une certaine influence à Bamako.