
Le torchon brûle entre les rebelles syriens et les djihadistes d'Al-Qaïda venus combattre contre les forces de Bachar al-Assad en Syrie. Jeudi 11 juillet, un chef de l'Armée syrienne libre (ASL) a été abattu par des islamistes à Lattaquié.
Les rebelles syriens et les groupes d'Al-Qaïda engagés contre Bachar al-Assad sont à couteaux tirés après le meurtre de Kamal Hamami, un important chef insurgé, par des djihadistes dans le nord-ouest de la Syrie. Plus connu sous son nom de guerre Abou Bassir al Ladkani, Kamal Hamami a été tué jeudi 11 juillet dans le grand port syrien de Lattaquié par des islamistes du groupe de l'"Etat islamique en Irak et au Levant" (EIIL), une émanation d’Al-Qaïda en Syrie. Il était l'une des personnalités les plus en vue du Conseil militaire suprême de l'ASL.
Les circonstances de cet assassinat restent encore floues. D'après l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) , le chef rebelle a été tué lorsque l'EIIL a voulu détruire un barrage de l'ASL à Jabal el-Turkmen, au nord de la ville côtière de Lattaquié. Selon le lieutenant-colonel Abou Ahmad, qui affirme avoir été présent sur les lieux de l’incident, Abou Assir a demandé aux islamistes : "Vous venez dans notre pays pour nous aider ou pour nous créer des problèmes ?". Le chef de l'EIIL à Lattaquié, Abou Aymane, est alors arrivé et a menacé de tuer le chef rebelle, qui ne s'est pas démonté: "Vous n'avez rien avoir avec l'islam", lui a-t-il lancé avant d'être abattu par le chef djihadiste.
Cet assassinat marque l’effritement des forces anti-Assad et témoigne d’une hostilité croissante envers l’ASL, considérée comme une rebellion "modérée" soutenue par les pays occidentaux et les pays arabes. Les groupes affiliés à Al-Qaïda, sont, eux, formés en majorité de djihadistes non syriens. Ils gagnent en influence au sein de l'insurrection syrienne et cherchent depuis plusieurs mois à imposer leur autorité sur les zones tenues par l'opposition dans le nord de la Syrie.
Les gens de Lattaquié sont "très en colère"
Un porte-parole de l'ASL, Louaï Moqdad, a réclamé "avec insistance" que les coupables soient livrés à la rébellion. Très bien organisé, respecté par les membres de son bataillon, Abou Bassir "était modéré et croyait en l'idée d'un État démocratique", a affirmé vendredi l'un de ses amis, un militant qui se fait appeler Abboud. Selon lui, les gens de la région de Lattaquié "sont très très en colère" depuis le meurtre.
L'AFP avait rencontré cette année à deux reprises Abou Bassir, jeune chef rebelle trentenaire à la barbe noire bien taillée, qui avait quitté sa riche famille de commerçants à Lattaquié pour se joindre à la rébellion. Les djihadistes "ont quitté leurs pays pour participer à notre guerre. Mais c'est notre pays et nous ne voulons pas que des gens de l'étranger viennent faire la loi ici. Ils faut qu'ils sachent qu'ils devront partir une fois la guerre terminée", avait-il confié à l'AFP en mai.
Cet incident n'est pas le premier du genre. L'Observatoire syrien des droits de l'homme fait état de heurts de plus en plus fréquents depuis plusieurs semaines entre l'ASL et l'EIIL. Il y a quelques jours, un chef de brigade avait été décapité et son frère égorgé par l'EIIL dans la province d'Idleb (nord-ouest), selon l'OSDH. Dans cette même région, des dizaines de rebelles de l'ASL avaient été tués dans une bataille contre des islamistes pro Al-Qaïda, selon cette ONG.
Au début de la révolte en Syrie, pourtant, les insurgés syriens qui cherchaient désespérément de l'aide face à la puissance de feu de l'armé régulière avaient accueilli à bras ouverts les djihadistes, dotés d'armes sophistiquées et aguerris au combat. Mais cet engouement a laissé progressivement la place au rejet de ces combattants extrémistes, pratiquant leur religion de manière rigoriste.
Début juin, beaucoup ont ainsi été choqués quand un garçon de 15 ans avait été tué par des combattants de l'EIIL à Alep (nord) pour avoir prononcé ironiquement le nom de Mahomet.
Avec dépêches