logo

Avant la Journée internationale des Roms le 8 avril, Amnesty International a organisé samedi un concert de soutien à Paris. Militants, familles et artistes se sont réunis pour dénoncer les discriminations à l'égard de cette population.

C’est en fanfare que débute la manifestation. Le Haïdouti Orkestra, un groupe balkano-turc, déambule sur la place de la Bastille avec ses trompettes, accordéons et autres tambours. Autour des musiciens, quelques spectateurs improvisent des pas de danses, tandis que d’autres frappent joyeusement dans leurs mains. Une ambiance festive voulue par Amnesty International, l’organisateur de l'événement. "À l'occasion de la Journée internationale des Roms [le 8 avril, NDLR], il était important pour nous de montrer que ce sont des individus comme les autres et qu’ils ont leur propre culture", explique Geneviève Garrigos, la présidente de l’ONG.

Dans un rapport publié le 4 avril, l'association de défense des droits de l'Homme tire la sonnette d'alarme et dénonce les discriminations vécues quotidiennement par ce peuple. Pour la dirigeante de l'ONG, il est avant tout essentiel d’effacer la terrible image qui colle à la peau des Roms : "En Hongrie, par exemple, on les traite de singes. Mais ne ce sont pas des sous-hommes ! Ce sont des individus, comme vous et moi, qui aspirent simplement à vivre dignement !"

"Les policiers ont déjà brûlé ma caravane"

Parmi la centaine de personnes rassemblées pour la manifestation, de nombreux militants d’Amnesty International sont présents, mais également quelques familles de Roms. Demian est venu avec ses deux enfants et sa femme. Dans un français encore approximatif, il tient à témoigner. Il raconte en quelques mots qu’il vit dans un baraquement à Bobigny : "Les policiers ont déjà brûlé ma caravane". Malgré ces conditions de vie précaire, il ne veut pas retourner dans son pays d’origine. "Il n’y a pas de travail en Roumanie. Il n’y pas d’argent là-bas", affirme-t-il en tenant son fils Abel, un an, dans ses bras.

Samuel a lui aussi tenu à être présent pour défendre sa communauté. Il a été invité par l’ONG pour prendre la parole et décrire son quotidien : "Je ne viens pas par intérêt, ça me fait juste plaisir qu’on m’écoute". Le jeune homme reconnaît qu’il a plus l’habitude d’être moqué ou injurié : "Mais les gens ne connaissent pas mon histoire, alors je leur pardonne". À 17 ans, il a déjà connu de nombreuses expulsions. Venu de Roumanie avec sa famille à l’âge de 10 ans, il vit de campement en campement. "À cause des expulsions, je ne peux pas continuer à aller l’école. Je n’ai qu’un rêve, c’est d’aller en cours", regrette-t-il, "J’aimerais être traducteur".

Augmentation des expulsions

C’est cette détresse des enfants que Gérard et Eliane ne supportent plus. Ce couple, qui habite dans l’Essonne, est témoin au quotidien de l’augmentation des expulsions. Le 3 avril dernier, c'est un campement de 250 personnes qui a été évacué dans leur département à Ris-Orangis. "Depuis que Manuel Valls est devenu ministre de l’Intérieur, il y a deux fois plus d’expulsions de Roms, affirme Gérard. On connaît des familles. Voir des petits enfants jetés à la rue. Cela nous révolte ! Je me souviens d’une petite fille qui a vu un bulldozer détruire sa maison."

Depuis des mois, tous deux militent au sein d’une association : "On va dans les bidonvilles. On intervient aussi en donnant des cours de français ou en essayant de faire scolariser les enfants". Pour Eliane, les Roms sont devenus les boucs émissaires de la société : "Il y a un problème de chômage et les gens rejettent la faute sur la population étrangère. Ceux qui sont le plus visés, ce sont les Roms".

"Choisir sa façon de vivre"

Des anonymes se mobilisent, mais également quelques personnalités. Dans la foule, l’actrice Fanny Ardant est venue pour soutenir la cause des Roms. Sur la scène improvisée, la célèbre violoniste Sarah Nemtanu offre de son côté un concert en signe de solidarité. "Je suis d’origine roumaine. Ce sont mes racines. Les Roms sont comme tous les peuples. Il faudrait d’avantage profiter de leur culture pour enrichir la nôtre", explique-t-elle.

Profondément touchée par les discriminations faites envers cette communauté, la jeune artiste franco-roumaine a décidé de s’engager durablement avec Amnesty International. Pour la sortie de son nouvel album "Tchaïkovsky live", un euro sur chaque disque vendu sera reversé à l’ONG. "Les gens ne voient que le côté négatif : qu’ils volent et qu’ils mendient alors qu’ils ont juste besoin de vivre tranquillement et dignement. On a le droit de choisir sa façon de vivre !", conclut-elle avec un grand sourire, avant de se laisser entraîner par les rythmes festifs du Haïdouti Orkestra.