Alors que la révolte syrienne entre ce vendredi dans sa troisième année, la France et le Royaume-Uni indiquent vouloir armer l'opposition. Et ce même si les 27 pays européens ne parviennent pas à s'accorder sur une levée de l'embargo.
Au deuxième anniversaire du soulèvement contre le président syrien Bachar al-Assad, une des principales demandes de la rébellion serait sur le point d’être exaucée. Le président François Hollande a déclaré jeudi 14 mars à Bruxelles souhaiter "que les Européens lèvent l'embargo" sur les armes pour les forces de l'opposition syrienne.
Moscou ne veut pas founir d'armes à l'opposition syrienne
Moscou a réaffirmé mercredi son opposition à la fourniture d'armes à l'opposition. "Je pense que le droit international stipule que cela n'est pas possible et je pense qu'armer l'opposition est une infraction au droit international", a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors d'une conférence de presse à Londres.
"Nous sommes prêts à soutenir la rébellion, donc nous sommes prêts à aller jusque-là. Nous devons prendre nos responsabilités", a déclaré François Hollande à la presse à son arrivée au sommet européen qui se tient jusqu'à vendredi.
"Nous ne pouvons laisser un peuple massacré par un régime qui pour l'instant ne veut pas de transition politique", a-t-il ajouté. "La France considère qu'aujourd'hui les armes sont livrées (en Syrie), mais au régime de Bachar (al-Assad) par les Russes notamment".
Cette déclaration intervient quelques heures après celle du ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius sur Interrogé sur France Info. "Lever l'embargo c'est un des seuls moyens qui restent pour faire bouger politiquement la situation", a expliqué le chef de la diplomatie française constatant que Bachar al-Assad "ne veut pas bouger parce qu’il pense avoir la supériorité permanente par les armes". Et d’ajouter : "On ne peut pas accepter qu'il y ait ce déséquilibre actuel avec d'un côté l'Iran et la Russie qui livrent des armes à Bachar et de l'autre des résistants qui ne peuvent pas se défendre".
"Une telle décision changerait la donne"
L'objectif d'une telle démarche, selon des responsables français, cités par l’AFP et s'exprimant sous anonymat, est de fournir notamment des missiles sol-air pour contrer les attaques des avions et hélicoptères de l'armée régulière syrienne. "A priori, une telle décision changerait la donne, mais cela dépendra évidemment de la nature des armes que livreraient les Français, sachant que les rebelles n’ont de cesse de réclamer des armes anti-aériennes pour contrer la suprématie de l’armée de l’air syrienne", explique Selim el-Meddeb, correspondant de FRANCE 24 au Liban.
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L'interview de Laurent Fabius sur France Info
La déclaration de Laurent Fabius intervient deux jours après celle du Premier ministre britannique David Cameron qui a indiqué que son pays pourrait se désolidariser de l'embargo de l'UE. "J'espère que nous réussirons à convaincre nos partenaires européens et que si de nouvelles modifications (à l'embargo en vigueur, NDLR) se révèlent nécessaires, ils seront d'accord avec nous", a déclaré le Premier ministre britannique devant une commission parlementaire. "Mais s'ils ne le peuvent pas, alors il n'est pas totalement exclu que nous soyons obligés d'agir à notre façon, c'est possible", a-t-il dit.
Berlin sous pression
La France et le Royaume-Uni vont d’ailleurs demander à l’UE d'avancer la prochaine réunion sur l'embargo des armes à destination de la Syrie prévue fin mai à Dublin. À défaut d'unanimité sur cette question - l'Allemagne y est très réticente- les deux pays décideront à titre personnel d’envoyer des armes aux rebelles. Lors du dernier Conseil des affaires étrangères de l'UE, le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, avait rappelé la position de son pays, à savoir qu’une telle mesure pouvait favoriser une prolifération d'armes dans la région et déclencher une guerre par procuration. Toutefois, ce jeudi, il s'est déclaré, dans un communiqué, prêt à "discuter immédiatement" de la nécessité d'une modification des sanctions qui frappent la Syrie, dont l'embargo fait partie.
En outre, le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, a récemment déclaré que le but n'était "pas de combattre des djihadistes au Mali pour fournir des armes aux djihadistes en Syrie". "Les armes, ce n'est pas ce qui manque en Syrie", a également averti son homologue luxembourgeois Jean Asselborn.
"Les déclarations franco-britanniques visent à mettre la pression sur leurs partenaires européens, en particulier Berlin qui est le plus hostile à l’idée d’armer les rebelles, afin que l’embargo soit amendé, voire levé", décrypte Melissa Bell, spécialiste des questions internationales à FRANCE 24.
"Un pas dans la bonne direction", juge l'opposition syrienne
La volonté affichée par Paris et Londres d'armer les rebelles en Syrie est "un pas dans la bonne direction" en vue de renverser le régime de Bachar al-Assad, a affirmé Walid Bounni, le porte-parole de l'opposition syrienne. "Bachar al-Assad n'acceptera de solution politique [au conflit] que lorsqu'il saura qu'il a face à lui une force [armée] qui va le renverser", a-t-il ajouté. De son côté, Damas parle d’"une violation flagrante du droit international".
De son côté, l'UE a assuré jeudi qu'il était "possible" de discuter "sans délai" de l'opportunité de lever l'embargo si l'un des 27 Etats membres le souhaitait". Si un Etat veut initier une discussion sans délai, c'est toujours possible. Chacun peut demander qu'un sujet soit mis à l'agenda d'une réunion", a déclaré Michael Mann, porte-parole de Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne, interrogé par l'AFP.
Les 27 ont récemment pris la décision de proroger les sanctions, qui comprend l'interdiction de fournir des armes, jusqu’au 1er juin, tout en levant les restrictions sur l'équipement non-létal et l'assistance technique pour aider l'opposition et protéger les civils. Cette décision a été présentée comme un "compromis" entre les pays souhaitant davantage aider les opposants syriens et ceux qui craignent "une militarisation accrue" du conflit, au détriment de la recherche d'une solution politique.
La décision de lever l'embargo doit être prise à l'unanimité des 27. Mais il suffirait, en cas d'absence de consensus, de ne pas renouveler le régime des sanctions, ce qui permettrait alors à chaque pays de mener sa propre politique. "C'est un système qui est assez brutal car il faut une décision positive des Etats membres dans un sens ou dans un autre pour que le système perdure", résume une source diplomatique française citée par Reuters.
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Les explications du correspondant de France24