
Jugé pour crime contre l'humanité, Ieng Sary, l'ex-chef de la diplomatie des Khmers rouges, est décédé à Phnom Penh. Cette mort accroît la frustration des victimes de ce régime, qui craignent que les principaux responsables échappent à la justice.
L’ex-ministre des Affaires étrangères des Khmers rouges est mort jeudi 14 mars à Phnom Penh, la capitale cambodgienne. Agé 87 ans, il était poursuivi pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité par le tribunal mis en place avec le soutien des Nations unies. "Nous pouvons confirmer que Ieng Sary est mort ce matin", a déclaré Lars Olsen, porte-parole de la cour.
"Les co-procureurs vont établir les causes de sa mort avant de le rendre à sa famille", a-t-il ajouté, jugeant "regrettable" que la justice n'ait pu s'exprimer sur son cas mais soulignant que son décès n'aurait pas d'impact sur le procès des deux autres accusés. L'ancien ministre comparaissait en effet devant le tribunal avec l'ancien chef de l'État Khieu Samphan, 81 ans, et le "frère numéro deux" et idéologue du régime, Nuon Chea, 86 ans.
Ieng Sary disparaît sans avoir jamais expliqué son rôle dans l'appareil marxiste totalitaire qui a détruit un quart de la population du Cambodge en moins de quatre ans (1975-79), vidant les villes, supprimant la monnaie, la religion et l'éducation, et plongeant la société dans la terreur et la paranoïa.
La frustration des victimes du régime khmer
Son décès va accroître la frustration des victimes du régime maoïste, qui craignent que les principaux responsables de la disparition d'environ 1,7 million de personnes dans les "champs de la mort" échappent à la justice. "Maintenant nous perdons des preuves. Je suis frustré qu'il n'ait pas reconnu sa culpabilité", a ainsi déclaré à l'AFP Chum Mey, 82 ans, un des rares survivants de la prison de Tuol Sleng, à Phnom Penh.
"C'est un coup dur pour le tribunal, a également commenté Heather Ryan, de l'organisation Open Society Justice Initiative. Sa mort avant la conclusion du procès laissera les Cambodgiens dans une frustration sur la cour et sur les chances d'établir les responsabilités dans les crimes des Khmers rouges."
Une autre responsable politique majeure, Ieng Thirith, est encore en vie. Mais l'ex-ministre des Affaires sociales, veuve de Ieng Sary, a perdu la raison et a été déclarée l'an passé inapte à être jugée.
Une justice lente
Le seul procès achevé à ce jour par la juridiction internationale est celui de Kaing Guek Eav, alias Douch, patron de la prison de Tuol Sleng à Phnom Penh, dans laquelle quelque 15 000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées. Il a été condamné à la perpétuité.
Outre les innombrables critiques sur sa lenteur et les pressions politiques dont il fait l'objet de la part du gouvernement cambodgien, le tribunal fait face depuis quelques semaines à une crise financière sans précédent, qui menace jusqu'à son existence. Des traducteurs sont en grève depuis dix jours pour protester contre le fait que 270 employés cambodgiens - des magistrats aux chauffeurs - travaillent sans contrat depuis janvier et ne sont plus payés depuis trois mois. Les audiences ont été suspendues sine die.
FRANCE 24 avec dépêches