
À Alger, François Hollande s'est longuement recueilli devant la plaque commémorative dédiée à Maurice Audin, jeune militant communiste torturé à mort par des parachutistes français en 1957.
C'était un moment très attendu de la visite officielle de François Hollande en Algérie. Le président français s'est rendu jeudi 20 décembre place Maurice-Audin, au cœur de la capitale algérienne, pour rendre hommage au jeune enseignant et militant communiste disparu il y a plus d'un demi-siècle.
Né à Béja, en Tunisie, Maurice Audin était membre du Parti communiste algérien, dissout en 1955 par les autorités françaises. Le 11 juin 1957, agé de 25 ans et père de trois enfants, il était arrêté à son domicile par des parachutistes français en pleine bataille d’Alger, l’une des périodes les plus sombres et les plus violentes de la guerre d’Algérie.
Selon la version officielle, le mathématicien, assistant à la Faculté des sciences d’Alger, se serait enfui lors de son transfert pour un interrogatoire en sautant d’une jeep. Il était soupçonné d’appartenir au Front de libération nationale (FLN) et de soutenir l’indépendance de l’Algérie. Sa veuve, Josette, n’a jamais cru à la version donnée par les autorités françaises. Aujourd’hui encore, 55 ans après la disparition de son mari, elle continue de réclamer la vérité.
Pierre Vidal-Naquet, historien, a mené une enquête sur la mort du mathématicien qui confirme les soupçons de la famille Audin sur le sort réservé au jeune homme. Dans son livre "l’Affaire Audin", paru en 1958, il affirme que l’enseignant a été torturé puis tué par un officier du 1er Régiment de parachutistes opérant sous les ordres du général Massu. Pire : il assure que le meurtre a été couvert par la hiérarchie militaire. Les autorités françaises démentent. Une enquête est ouverte en 1959, elle aboutit à un non-lieu en 1962.
Hollande ouvre les archives à la veuve Audin
Début 2012, l’affaire Audin connaît un nouveau rebondissement quand des manuscrits d’Yves Godard, commandant de la zone Alger-Sahel à la fin des années 1950, décédé dans les années 1970, sont découverts dans les archives d’une université californienne. Le cas de Maurice Audin y est longuement évoqué. Un nom y apparaît également : celui de Gérard Garcet, présenté comme le militaire qui a exécuté l’enseignant.
Josette Audin n’a jamais cessé son combat. Elle écrit à tous les présidents pour les exhorter à lui dévoiler la vérité sur le sort de son mari. Seul François Hollande y répond. "J’ai adressé en août dernier une lettre au président français pour lui demander seulement la vérité sur cet assassinat. Et j’ai cru comprendre dans la réponse qu’il m’a adressée sa volonté de faire avancer cette affaire et ouvrir le dossier", a-t-elle expliqué dimanche 16 décembre au quotidien français "Les Dernières nouvelles d’Alsace" (DNA). Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense, s’est en effet engagé à recevoir Josette Audin, aujourd’hui âgée de 80 ans, le 1er février et à lui ouvrir toutes les archives relatives à la disparition de son mari.
Pour l’heure, la veuve place beaucoup d’espoirs dans le déplacement du président français en Algérie : "J’espère que le déplacement de monsieur Hollande en Algérie et son recueillement à la place Audin sera l’occasion pour faire en sorte que l’on sache la vérité. […] J’espère aussi que le président de République, au nom de la République française, condamnera fortement l’emploi de la torture par la France durant la guerre d’Algérie. J’espère également qu’il reconnaîtra les exécutions sommaires commises sur mon mari et sur un très grand nombre d’Algériens qui ont lutté pour l’indépendance de l’Algérie".