
Plusieurs dizaines de milliers d’Égyptiens ont manifesté au Caire et dans d'autres villes du pays pour protester contre l'adoption d'un projet de Constitution qui prévoit de conserver la charia comme "source principale de la législation".
Des dizaines de milliers d'Egyptiens étaient massés vendredi dans le centre du Caire pour protester contre le président Mohamed Morsi, quelques heures après l'adoption au pas de charge d'un projet de Constitution par une commission dominée par les islamistes.
"A bas la commission constituante", scandait la foule sur la place Tahrir, tandis que des manifestants portaient des banderoles dénonçant la "dictature" du chef de l'Etat et de la formation dont il est issu, les Frères musulmans.
itPlusieurs cortèges conduits par des personnalités de l'opposition ont convergé vers la célèbre place du centre-ville, en traversant d'autres quartiers de la capitale.
Des manifestations étaient également signalées dans de nombreuses autres villes du pays.
Après des mois de blocage, les 234 articles du projet de Constitution ont été adoptés par une commission constituante convoquée d'urgence pour passer au vote, lors d'une séance-marathon entamée jeudi après-midi et qui s'est poursuivie jusqu'à vendredi à l'aube.
Le texte doit être remis samedi à M. Morsi, pour qu'un référendum soit organisé dans deux semaines sur ce texte qui doit remplacer la loi fondamentale suspendue après la chute de Hosni Moubarak début 2011.
Comme dans l'ancienne Constitution, le projet fait des "principes de la charia" la "source principale de la législation", une formulation assez consensuelle en Egypte, qui ne fait pas des préceptes de la loi islamique la source unique du droit.
Mais le projet ajoute une nouvelle disposition selon laquelle les principes de la charia doivent être interprétés selon la doctrine sunnite, une clause critiquée par les églises chrétiennes et les opposants non islamistes.
Le projet accorde également à l'Etat un rôle de "protection de la moralité" et interdit "l'insulte des personnes humaines" et des "prophètes", des dispositions dont certains redoutent qu'elles n'ouvrent la voie à la censure.
Mobilisation de l'opposition
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L'opposition libérale et laïque, de même que les Eglises chrétiennes coptes ont boycotté les travaux de la commission, l'accusant de vouloir faire la part belle aux vues des islamistes.
L'organisation Human Rights Watch estime que le projet "protège certains droits mais en sape d'autres" et déplore son adoption "précipitée".
Selon Amnesty International, le projet "ignore les droits des femmes, restreint la liberté d'expression au nom de la protection de la religion, et permet aux militaires de juger des civils".
Des journaux privés ont décidé de ne pas paraître mardi prochain pour dénoncer un manque de garanties pour la liberté de la presse.
Le projet prévoit aussi que tout président ne puisse effectuer plus de deux mandats de quatre ans chacun, une volonté de rompre avec l'époque de M. Moubarak, resté trois décennies au pouvoir.
L'adoption en toute hâte de ce projet survient en pleine crise politique provoqué par un décret adopté la semaine dernière, par lequel M. Morsi s'octroie des prérogatives exceptionnelles, en particulier face au pouvoir judiciaire.
Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Mme Navi Pillay, a écrit une lettre au président égyptien pour lui faire part de son inquiétude et lui demander de "reconsidérer" sa décision d'étendre ses pouvoirs.
Elle a par ailleurs dit à M. Morsi que "l'approbation d'une Constitution, dans ces circonstances, pourrait être une mesure générant encore plus de divisions".
M. Morsi a une nouvelle fois promis jeudi soir à la télévision que ses pouvoirs renforcés étaient "temporaires" et cesseraient une fois la Constitution adoptée.
Ses partisans estiment que les dernières décisions prises vont permettre à l'Egypte, qui connaît une difficile transition politique, de se stabiliser et de consolider sa démocratisation. Ils ont appelé à des manifestations de masse samedi pour soutenir le premier président égyptien islamiste, élu en juin.
AFP