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Quel médiateur pour le conflit entre Israël et le Hamas ?

Devant la menace d’une guerre durable entre Israël et le Hamas, qui dirige la bande de Gaza, les diplomates du monde entier concentrent leurs efforts sur l’instauration d’un cessez-le-feu. État des lieux des principaux acteurs.

La médiation entre Palestiniens et Israéliens, à l’heure de l’opération "Pilier de défense" menée par Tsahal, l’armée israélienne, contre la bande de Gaza, peine à trouver sa voix privilégiée. Au sixième jour du conflit, le bilan des bombardements israéliens à Gaza s'élevait lundi à plus de 100 morts, selon le Hamas, tandis que des roquettes étaient toujours tirées depuis le territoire palestinien en direction de l’État hébreu, où trois personnes ont été tuées jeudi dernier. Alors que de multiples interlocuteurs tentent de faire entendre leur voix pour réclamer un cessez-le-feu et empêcher une escalade de la violence, qui a les meilleures cartes en main pour obtenir une résolution rapide du conflit ?

Le rôle limité de la France

Bal des diplomates en Terre Sainte. Lundi 19 novembre, l'envoyé spécial du Quartette pour le Proche-Orient, Tony Blair, et le ministre allemand des Affaire étrangères, Guido Westerwelle, étaient attendus à Jérusalem. La veille, ils avaient été précédés par le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius. Sur place pour une visite éclair de 24h au cours de laquelle il s’est entretenu avec les dirigeants israéliens et le président palestinien Mahmoud Abbas, il a offert l’aide de la France dans la résolution du conflit. "Les deux mots d’ordre, c’est urgence et cessez-le-feu", a-t-il déclaré.

Pour Olivier Danino, chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique (Ifas) et auteur de "Le Hamas et l’édification de l’État palestinien", aux éditions Karthala, l’envoi d’un chef de la diplomatie française au cœur du conflit constitue un signal très fort. "C’est une prise d’initiative qui a pour objectif de montrer que la France est capable d’intervenir dans le conflit. La France a une réelle carte à jouer, dans le sens où elle représente un interlocuteur crédible pour les Israéliens et les Palestiniens", analyse-t-il. Un bémol cependant : pour Paris, le Hamas - au pouvoir dans la bande de Gaza - figure sur la liste des organisations terroristes. Il est pourtant l’un des acteurs majeurs de ce conflit, qui a commencé mercredi 14 novembre avec l’assassinat ciblé du chef militaire du mouvement, Ahmad Jaabari. "La démarche française est limitée", concède le spécialiste.

Avantage pour l’Égypte

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Quel médiateur pour le conflit entre Israël et le Hamas ?

Dans la région, trois pays veulent se positionner comme des interlocuteurs privilégiés : l’Égypte, la Turquie et le Qatar. Le chef des services de renseignement égyptiens, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et l'émir du Qatar Hamad Ben Khalifa Al-Thani ont d’ailleurs tous trois pris part à des discussions lundi, au Caire, avec le chef en exil du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, sur la possibilité d’un cessez-le-feu. La Turquie part néanmoins avec un handicap. Bien que favorable depuis longtemps à un dialogue avec le Hamas, elle est, en effet, freinée par des relations qui se sont fortement détériorées avec Israël à la suite à l’assaut israélien contre un bateau d’aide humanitaire turc faisant route vers Gaza en mai 2010, qui avait fait neuf morts turcs.

"L’Égypte est l’interlocuteur dont les démarches ont le plus de chances de porter leurs fruits", estime Olivier Danino. "Elle intervient régulièrement dans le conflit et, malgré la fin du régime de (Hosni) Moubarak, elle se positionne toujours comme un intermédiaire entre les deux camps ennemis. Elle est capable d’assurer cette médiation." Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a accepté l’envoi d’un émissaire au Caire pour discuter avec les autorités égyptiennes des conditions d’un cessez-le-feu durable.

Au Caire, l’enjeu de ces pourparlers est également national. Les Frères musulmans, à la tête du pays, souhaitent, par cette médiation rapprochée, reprendre le rôle traditionnel de médiateur qui était celui de Moubarak, mais avec un atout supplémentaire : la proximité avec le Hamas, issu lui aussi de la mouvance des Frères musulmans. "Les Frères veulent montrer à la population égyptienne qu’ils sont présents sur le dossier israélo-palestinien. Avec la situation économique, c’est l’un des sujets qui préoccupent le plus les Égyptiens. Que la médiation ait une issue heureuse ou non, la diplomatie égyptienne en tirera des bénéfices sur le sol national."

Les États-Unis discrets

Par ailleurs, au sein de la cacophonie diplomatique mondiale, le silence américain interpelle. Pour les États-Unis, en effet, se positionner comme un intermédiaire impartial entre Israéliens et Palestiniens est une tâche ardue, étant donné les relations étroites entre Washington et l’État hébreu. Et ce d'autant plus que les Américains, tout comme les membres de l'Union européenne, refusent de parler directement avec le Hamas.

"Les États-Unis sont très discrets dans ce conflit même si il y a eu plusieurs échanges entre Israël et le président Obama depuis le début du conflit. Mais il est important de noter que Washington entretient des relations diplomatiques et militaires fortes avec tous les acteurs majeurs de cette médiation", relève Olivier Danino, avant de s’interroger sur un lien probable entre les États-Unis et le Qatar. Pour le chercheur, le rôle joué par le petit émirat, autrefois discret mais qui multiplie aujourd’hui les actions sur les questions syrienne et palestinienne, soulève des questions. " À moins qu’il ne dispose d’un soutien américain tacite, dans quelle mesure un pays aussi petit qui, en temps normal, n’a pas vocation à intervenir dans les affaires régionales, a-t-il intérêt à s’impliquer autant ?", s'interroge-t-il.