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La chorégraphe Sud-africaine Dada Masilo a revisité avec humour le ballet de Tchaïkovski "Le lac des cygnes". Sa version, inspirée des danses zoulous, a remporté un grand succès à la Biennale de Lyon.
Étoile montante de la danse, la chorégraphe sud-africaine Dada Masilo, 27 ans, revisite le répertoire classique à sa manière tonique et drôle, notamment dans son "Lac des cygnes" acclamé cette semaine à la Biennale de Lyon.
"Je ne voulais aucunement manquer de respect à cette oeuvre. Mais je refuse l'idée qu'on ne peut toucher à rien", plaide l'enfant de Soweto, célèbre township de Johannesburg, "tombée amoureuse" à 11 ans du ballet de Tchaïkovski, le premier qu'elle ait jamais vu.
Dans un pays qui s'extirpe à peine de l'apartheid, la gamine noire comprend vite "qu'elle ne sera jamais ballerine" et se promet de créer un jour sa propre version, qui intégrera les tutus qui la fascinent mais ne sera "pas une version classique".
Repérée à 13 ans avec sa troupe de danseurs de rue, elle intègre la Dance Factory de Johannesburg, dont elle reste l'artiste résidente, et s'y forge une double culture classique et contemporaine, complétée par deux ans à l'école d'Anne Teresa De Keersmaeker à Bruxelles.
Interprète brillante, dont l'ardeur au travail sidère son entourage, elle entame à 20 ans une série d'une dizaine de pièces, fusionnant les styles chorégraphiques et évoquant la société sud-africaine dans ses aspects les plus sombres.
"The World, My Butt and Other Big Round Things" dénonce ainsi le sexisme et les violences envers les femmes, en 2005, tandis que "Love and other four letter words" aborde en 2008 le fléau du sida.
Youyous et tutus
L'artiste, lutin volubile au crâne rasé, s'attaque aussi au répertoire occidental avec plusieurs ballets emblématiques. Son "Romeo and Juliet" intègre en 2008 une famille Capulet multiethnique, tandis que "Carmen" revêt en 2009 une dimension plus érotique que jamais.
La démarche de la jeune femme, qui mêle humour, irrévérence mais aussi amour du mouvement et sens du spectacle, est résumée par le prologue du "Swan Lake" créé en 2010, texte hilarant dans lequel un danseur comédien passe en revue les codes classiques.
"Tous les ballets que nous avons pu voir pourraient se résumer dans un unique ballet, dont le titre générique serait: +Filles en tutus au clair de lune+", souligne-t-il, tandis que les 11 autres interprètes exécutent entrechats, ondulations et grands jetés.
Iconoclaste, la version de Dada Masilo montre un Siegfried épris d'un homme en tutu, cygne noir éblouissant, qui cherche à échapper au mariage programmé avec le cygne blanc, interprété par la chorégraphe, sous l'oeil vigilant de la communauté.
"Je voulais apporter des éléments de tradition africaine, en intégrant le côté bruyant et chaotique des mariages traditionnels", souligne l'artiste, dont les interprètes dansent pieds nus et alternent pas classiques, "zoulou et danses de la rue", youyous à l'appui.
L'amalgame séduit, porté par une vitalité hors norme, d'autant que les danseurs savent aussi émouvoir dans les passages plus lents, notamment dans le superbe final sur une musique d'Arvo Pärt.
Après s'être inspirée en 2011 de "Macbeth" dans un solo, "The Bitter End of Rosemary", et avoir collaboré début 2012 avec le plasticien William Kentridge, Dada Masilo a exploré la folie des personnages féminins de la littérature dans "Death and the Maidens", dévoilé en mars en Afrique du Sud.
Elle attend néanmoins "d'avoir quelque chose à dire" pour continuer à produire, s'avouant "un peu écrasée, parfois", par l'engouement qu'elle suscite.
(AFP)