Lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Londres, ce vendredi, le marathonien sud-soudanais Guor Marial ne va pas défiler dans le stade olympique sous le drapeau de son pays, mais sous la bannière olympique.
Il est sud-soudanais mais ne pourra pas porter les couleurs de son pays aux Jeux de Londres. Le marathonien de 28 ans Guor Marial n’a pas été autorisé à représenter le Soudan du Sud, indépendant depuis à peine plus d'un an, par le Comité international olympique (CIO). L’athlète concourra sous la bannière olympique.
"Si je ne peux pas porter le drapeau de mon pays, je serai le drapeau de ma nation. Mon pays sera dans mon cœur", affirme à FRANCE 24 l’athlète, ravi de pouvoir participer à ses premières Olympiades.
La décision du CIO de sélectionner Guor Marial comme athlète olympique indépendant s'est fait attendre. Le comité n’a statué sur son sort que le 21 juillet, soit une semaine seulement avant le début des Jeux olympiques (JO).
Apatride aux yeux du CIO
Le CIO ne reconnaît pas, aujourd’hui, le Soudan du Sud, car il ne dispose pas de comité national olympique. Apatride aux yeux de l'instance, Guor Marial, qui ne dispose d’aucun passeport, n’a donc pas pu être sélectionné en tant qu’athlète sud-soudanais.
Une situation qui a suscité une vive déception dans le pays. "Le sentiment, ici, est que le CIO est très conservateur et indifférent à l'égard du peuple du Soudan du Sud, a déclaré le ministre sud-soudanais des Sports, Cirino Hiteng Ofuho, à l'AFP. À quoi bon être indépendant s'il nous traite ainsi ?"
Les appels du président sud-soudanais Salva Kiir pour que les athlètes de la jeune nation puissent participer aux Jeux sont restés lettre morte. "Notre président avait même écrit au patron du CIO, Jacques Rogge, pour lui demander de faire preuve de compréhension", reprend Cirino Hiteng Ofuho. Mais le 28 juin, il a reçu une réponse négative. "L'enregistrement d'un pays nécessite deux ans", a justifié le comité, invoquant des procédures strictes.
"Représenter le Soudan ? Une trahison !"
À la suite de ce refus, le Soudan, dont le Soudan du Sud a fait sécession, invite Guor Marial dans sa délégation. Mais le conflit sanglant qui a duré plusieurs décennies entre Khartoum et Juba est encore très présent dans les esprits : pour Guor, qui a perdu plusieurs frères et sœurs dans cette guerre, il est en effet hors de question de représenter le pays ennemi. "Rien que d'y penser, c'est une trahison", indique le marathonien, qui "refuse de se définir comme un citoyen soudanais".
Il y a 13 ans, Guor Marial quittait le Soudan après avoir été kidnappé par des hommes armés, enrôlé de force dans un camp de travail et contraint de rester caché dans une cave. Sa famille l'envoie d'abord en Égypte, en 1999, où il séjourne pendant deux ans, puis aux États-Unis, en 2001.
"Au début, je détestais courir", se souvient-il. Mais l'adolescent est doué et décroche une bourse dans une université de l'Iowa, à l'âge de 16 ans. L'athlète n'est pourtant pas autorisé non plus à représenter le pays de l'Oncle Sam car son statut de résident permanent ne lui permet pas de prétendre à la nationalité américaine.
Conscient de ses qualités athlétiques, le CIO a choisi, au final, de le faire concourir sous le drapeau olympique. Il ne sera d’ailleurs pas le seul. Deux autres athlètes de l'île de Curaçao (Philipine van Aanholt, spécialiste de voile, et le judoka Reginald de Windt) défileront dans l’enceinte du stade olympique sous le drapeau frappé des cinq anneaux, à la suite à la disparition de leur pays, les Antilles néerlandaises, absorbé par les Pays-Bas en 2010.
"Faire parler du Soudan du Sud"
Par le passé, d’autres athlètes se sont vu accorder le statut d’athlète olympique indépendant. En 2000, lors des Jeux de Sydney, quatre athlètes du Timor oriental n’avaient pas été autorisés à représenter leur pays, indépendant depuis seulement un an à l’époque. De même, en 1992, les athlètes des pays de l'ex-Yougoslavie et de Macédoine étaient aussi dans ce cas et avaient remporté trois médailles à Barcelone.
Guor Marial, qui s’était qualifié pour les Jeux en réalisant les minima requis le 2 octobre dernier, est enchanté de pouvoir, finalement, y participer. "C’est pour moi une chance de parler du Soudan du Sud, se réjouit-il. Une façon de rendre hommage à mon pays, mon héritage." Guor Marial s’est rendu à Londres avec le soutien logistique et financier du CIO.
Lors du marathon, le 12 août, son maillot ne portera l’emblème d’aucune nation. Et, en cas de victoire, l’hymne olympique sera joué. Guor Marial a néanmoins été autorisé à porter un petit bracelet noir avec son nom et un minuscule drapeau du Soudan du Sud à son poignet. Il espère surtout que ses parents, qu’il n’a pas vus depuis plus de dix ans, pourront le voir courir : "Ils vivent dans un village sans électricité ni télévision, mais ils ont prévu de faire le trajet jusqu'à la ville la plus proche, à 60 km, pour me regarder à la télé".