Dégradation de la note de l’Italie, dissensions locales, mesures impopulaires... Le président du Conseil, Mario Monti, peine à conserver son image de sauveur.
Au moment de sa nomination en novembre 2011, Mario Monti, ancien commissaire européen et successeur du controversé Silvio Berlusconi, incarnait le technocrate qui restaurerait la confiance de l’Europe en l’Italie, celui qui sauverait le pays d’un destin à la grecque. En décembre 2011, alors que l’Italie entre officiellement en récession, le nouveau président du Conseil italien annonce son premier plan d’austérité, le troisième que les Italiens ont à subir depuis le mois de juillet précédent. Le train des réformes est lancé.
En six semaines au pouvoir, celui que la presse surnomme "Super Mario" fait adopter plus de mesures économiques que son prédécesseur en une décennie, mesures qui doivent permettre quelque 20 milliards d'euros d'économies d’ici à 2014. Pour les Italiens, il s’agit d’un nouveau sacrifice.
Après cinq mois de baisse, un regain de popularité
En février 2012, on annonce un ralentissement du rythme des réformes. "Même si la récession dure [...], il n'y aura pas besoin d'un autre plan [d'austérité], car des marges de prudence ont été incorporées", affirme alors Mario Monti devant la communauté financière italienne réunie à la Bourse de Milan. Pourtant, cinq mois plus tard, dans la nuit du 5 au 6 juillet dernier, une quatrième vague de mesures de rigueur est adoptée afin de réduire les dépenses publiques de 26 milliards d’euros sur trois ans. La santé et l’administration publique sont particulièrement visées. Au grand dam des Italiens.
Manifestations et menaces de grève fleurissent sporadiquement. À l’image de celle de l’Istat (institut de sondage équivalent à l’Insee en France) qui prévoit de cesser le travail en janvier 2013 en réponse aux dernières coupes budgétaires. "Nous ne donnerons plus de données sur l'inflation, la comptabilité, les conditions de vie des familles, la force de travail !", a averti Enrico Giovannini, président de l’Istat, dans un entretien à La Repubblica mi-juillet. Rome, pourtant, pourrait être redevable de lourdes pénalités financières envers Bruxelles pour chaque jour de retard dans la publication de ces chiffres.
Malgré l’envie de Mario Monti de convaincre l’Union européenne (UE) et les marchés de sa bonne volonté à coups de mesures draconiennes, les taux d’emprunt flambent et l’Italie a vu sa note dégradée par l’agence Moody’s le 13 juillet. Les spéculateurs craignent un risque de contagion venu d’Espagne ou de Grèce.
Cependant, la cote de popularité du président du Conseil italien résiste et enregistre, après des mois de baisse, une hausse de quatre points en juillet, le créditant de 49 % d’opinions favorables. Si on reste loin des chiffres publiés à sa prise de fonction (entre 50 % et 70 %), le chef du gouvernement semble tout de même avoir limité la casse. 55 % des Italiens se disent convaincus qu'il est bel et bien en train de sauver l’Italie, tandis que 48 % reconnaissent qu’il reste encore beaucoup à accomplir.
La pression des provinces
Même s’il se maintient à une place honorable dans le cœur des Italiens, certaines mesures locales récentes pourraient écorner l’image de Mario Monti. Poursuivant à un rythme rapide son plan de réformes afin de regagner la confiance des investisseurs, le chef du gouvernement vient d’imposer la réduction par deux du nombre de provinces. Chaque province devra afficher une superficie de 2 500 km2 minimum ou une population d'au moins 350 000 habitants. Selon l'Union des provinces d'Italie (UPI), l’économie réalisée serait de l’ordre de 500 millions d'euros par an. Mais cette mesure a provoqué la colère au sein des administrations locales et parmi la population. Des villes rivales historiques comme Parme et Plaisance, Pise et Livourne ou encore Sienne et Arezzo vont devoir étroitement coopérer, et ce d’ici la fin de l’année.
"En réduisant drastiquement le nombre de provinces, le gouvernement abîme l’image d’une Italie réunifiée vieille de 150 ans", souligne Jean-Yves Frétigné, historien spécialiste de l’Italie. Difficile pour Mario Monti de s’attaquer à un héritage historique si cher aux Italiens. "Malgré tous ses efforts, l’effet anti-Berlusconi s’atténue", ajoute Jean-Yves Frétigné, pour qui le gouvernement très technique incarné par "Super Mario" a peu de chances de rester gravé dans le cœur des Italiens.
Dans un tout autre style, la Sicile, bien qu’autonome, fait aussi partie des régions qui se rebiffent contre Monti. Au bord de la faillite, l’île surnommée "la Grèce de l'Italie", fait figure de mauvais élève avec à sa tête, le gouverneur Raffaele Lombardo, qui est inculpé "de soutien externe" à la mafia depuis mars dernier. Le 24 juillet, lors d’un ultime épisode du bras de fer Monti-Lombardo, le premier a obtenu in extremis la démission du second ainsi qu’un plan de restructuration des finances de l’île. Une victoire pour le président du Conseil, qui craignait que Bruxelles ne fasse l’amalgame entre la Sicile et le reste de l’Italie.
Quel avenir politique pour "Super Mario" ?
Selon Fabrizzio Pezzani, professeur spécialiste de politique italienne à l’université milanaise Bocconi, la difficulté principale pour le chef du gouvernement réside dans le fait que le système actuel s’essouffle. "Monti et l’ensemble de la classe politique doivent se confronter à un modèle économique archaïque. Je pense que la crise européenne, c’est surtout la fin du modèle américain, d’un modèle culturel matérialiste et individualiste, celui de la spéculation. C’est un tout nouveau système dont nous avons besoin, tout comme de le reste de l’Europe."
En mai 2013, les Italiens seront appelés pour les élections générales qui renouvelleront les deux chambres du Parlement. Lors de son discours d’investiture, Monti affirmait vouloir s’en tenir à un seul et unique mandat. Mais certains commentateurs l’imaginent déjà prendre la succession du président de la République, Giorgio Napolitano, âgé de 87 ans. D’autres imaginent un possible retour de Silvio Berlusconi, récemment conforté de bons sondages. La gauche est toutefois donnée favorite.