
François Hollande a confié à l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine la tâche d’évaluer la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’Otan. Une mesure qui reste marquée du sceau de Nicolas Sarkozy.
"Amis, alliés, pas alignés." C’est en ces termes qu’Hubert Védrine avait jadis désigné les rapports entre la France et l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan). L’ancien ministre des Affaires étrangères de Lionel Jospin, un temps courtisé par Nicolas Sarkozy, vient de se voir confier la mission d’évaluer le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’Otan. Une tâche qui s’inscrit dans la volonté de François Hollande de renégocier cette réintégration, sans la rompre.
"La réintégration française s'est faite sans condition, sans avancée de l'Europe de la défense, sans gain d'influence significatif sur les grandes orientations de l'Alliance", avait indiqué l'équipe de François Hollande, au cours de la campagne présidentielle. S'il ne compte pas revenir sur le choix de son prédécesseur, le chef de l'État souhaite néanmoins en "reposer les conditions".
Sarkozy, l’atlantiste
Après 43 ans d’absence, la France a en effet repris sa place dans le commandement intégré de l’Alliance atlantique en 2009, sur décision de Nicolas Sarkozy, fervent défenseur d’un rapprochement avec les États-Unis. La politique extérieure de la France, basée sur un consensus "gaullo-mitterrandien" en matière d’intégration de l’Otan, avait ainsi connu un bouleversement. Depuis la décision du général de Gaulle de sortir la France du commandement intégré en 1966, un consensus s’était établi sur ce sujet. Dénonçant une politique d’alignement atlantiste, la gauche avait, en 2008, déposé une motion de censure contre le gouvernement de François Fillon, qui avait été rejetée.
Les détracteurs du projet de Nicolas Sarkozy se disaient notamment inquiets de voir l’indépendance de la France sacrifiée sur l’autel de l’alliance internationale. Un argument digne d’un contexte de Guerre froide, selon Olivier Kempf, maître de conférences à Sciences Po Paris et auteur de "L’Otan au XXIe siècle". "Ce discours d’indépendance n’avait pas de sens il y a cinq ans dans un monde multipolaire. Il n’en a pas plus aujourd’hui. Notre réintégration dans l’Otan était assez logique d’un point de vue politique et opérationnel, et notre autonomie politique dans un cadre européen a été conservée au cours de ces dernières années", précise l’expert, rappelant que, sans l’Otan, l’opération de la France en Libye n’aurait pas été possible.
Privilégier une dimension européenne
Alors que les avancées sur l’"européanisation" de l’Otan promise par Nicolas Sarkozy sont restées timides, Hubert Védrine devrait replacer la défense européenne au cœur des priorités. Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, a ainsi souligné qu'il fallait rééquilibrer l'action de la France "en faveur de l'Europe de la défense".
Spécialiste des questions de défense à l’université Paris III-Sorbonne nouvelle, Guillaume de Rougé déplore la mise à l’écart de Berlin au cours de ces dernières années, alors qu’un traité de défense franco-britannique a été signé en novembre 2010. "Nicolas Sarkozy a été dans l’incapacité de tirer pleinement profit de cette réintégration et de réinsérer l’Allemagne et les autres alliés européens dans le jeu. Les Américains et les Britanniques ont été privilégiés. Or, la politique de la France dans l’Otan est incompréhensible si on ne prend pas en compte une dimension européenne, et notamment l’ambition d’une Europe de la défense", explique celui-ci.
Toutefois, ce bémol peut être attribué, selon ce dernier, à un contexte défavorable : "La politique européenne de ces dernières années n’a pas bénéficié d’un bon alignement des étoiles. Il y a eu bien évidemment la crise économique, mais aussi la crise en Libye qui a divisé les alliés", l’Allemagne ayant refusé de prendre part aux opérations.
Autre conclusion attendue, le financement de l’Alliance : un "bilan coût-bénéfice" a été sollicité par le chef de l’État. Prévue pour fin 2012, la remise du rapport devra ouvrir la voie à une loi de programmation militaire (2014-2019) qui sera soumise au Parlement en 2013.