
Réuni en congrès du 12 au 15 juillet, le parti islamiste Ennahda va renouveler sa doctrine politique. Son chef, Rached Ghannouchi, entend imposer une ligne islamiste modérée. Mais les radicaux du parti comptent bien faire entendre leur désaccord.
C’est un congrès historique qui se tient durant quatre jours, près de Tunis, à partir de ce jeudi 12 juillet. Ce neuvième congrès du parti islamiste tunisien Ennahda est le premier à être organisé en toute légalité depuis 1988. À cette occasion, la formation de Rached Ghannouchi, qui doit renouveler ses dirigeants mais aussi sa doctrine, dit vouloir s'ancrer dans un islamisme "modéré".
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Un an et demi après la révolution qui a renversé le régime de Ben Ali, les organisateurs ont choisi de faire de ce rendez-vous un évènement de grande ampleur. Quelque 30 000 participants sont attendus, 1 100 délégués seront présents et 500 journalistes ont été accrédités. Des personnalités de marque ont également été invitées, telles que Khaled Mechaal, président du bureau exécutif du mouvement islamiste palestinien Hamas, et le président du Conseil national de transition (CNT) libyen, Moustapha Abdeljalil. "Un moyen d’afficher la force du parti face à une opposition morcelée", note David Thomson, correspondant de FRANCE 24 en Tunisie.
"S’adapter à la vie politique"
Les 1 103 délégués locaux sont appelés à élire leurs représentants nationaux, mais aussi à renouveler l’idéologie politique du parti, au pouvoir depuis huit mois. "Notre doctrine est née sous la dictature. Mais aujourd’hui, l’environnement politique a changé, estime Riadh Chaïbi, président du comité d’organisation du congrès d'Ennahda, interrogé par FRANCE 24. Il existe une plus grande marge de liberté. C’est pour cela qu’il faut que nos idées et nos doctrines se renouvellent et s’adaptent à la vie politique."
Dans un entretien publié mercredi 11 juillet par le journal tunisien en ligne Leaders, le chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi, a déclaré que "la plus importante [dimension du congrès] est sans doute celle d'ancrer Ennahda en tant que mouvement islamiste modéré, ouvert, porté sur les préoccupations des Tunisiens et des Tunisiennes, concentré sur la réalisation de leurs ambitions, un projet islamiste d'Ennahda prometteur d'espoir et de prospérité". Ce dernier dit aussi tenir à l'alliance au pouvoir qui a prouvé sa "solidité", même s'il n'est pas "facile à conduire" un tel gouvernement en période de transition. La coalition au pouvoir est également constituée de deux formations de centre gauche, le Congrès pour la République (CPR) et Ettakatol.
Ghannouchi, influent mais contesté
Ce congrès sera l’occasion de s’assurer que tous les militants partagent la vision de Ghannouchi, estime David Thomson. Certains membres du parti lui reprochent de décider seul, de s’entourer uniquement des "exilés de Londres" revenus comme lui en Tunisie dès la nouvelle de la chute du président Ben Ali, mais aussi de faire des compromis trop libéraux et d’avoir refusé d’instaurer la charia (loi islamique) dans la nouvelle Constitution.
"Aujourd’hui, le parti s’intéresse à la politique et surtout au pouvoir, commente Sadok Chourou, député Ennahda interrogé par FRANCE 24. Nous avons peur que cette nouvelle donne n’altère les principes du mouvement qui sont basés sur un projet islamique intégral." Le parti islamiste se compose de différents courants, des modérés aux tenants d'une ligne idéologique plus radicale. La frange conservatrice du parti entend bien faire entendre sa voix lors de ce congrès, précise David Thomson. Considéré comme très influent, Rached Ghannouchi devrait toutefois conserver son poste.
Pointé du doigt pour ses tentations hégémoniques, Ennahda plaide pour un régime parlementaire dans lequel le président serait élu non au suffrage universel mais par les députés, alors que l’opposition préférerait un régime présidentiel. Pour David Thomson, ce sera l’occasion pour le parti islamiste de se positionner dès maintenant en vue des prochaines élections législatives fixées à mars 2013.