Deux articles de la revue américaine Science, parus lundi, viennent démonter l'annonce faite par la Nasa fin 2010 de la découverte d’une nouvelle "forme de vie".
Pas si révolutionnaire que ça, finalement. Il n'y aurait en fait rien d'extra-terrestre dans l'ADN de la bactérie GFAJ-1 selon deux articles parus lundi 9 juillet dans la revue américaine Science. En novembre 2010, une équipe de scientifiques financés par la Nasa avait affirmé que GFAJ-1 constituait une "nouvelle forme de vie" car elle avait troqué le phosphore de son ADN pour de l'arsenic, ce qui serait rigoureusement impossible selon les canons de la biologie actuelle.
“Ces deux papiers dans Science évoquent les travaux de scientifiques qui ont repris la souche identifiée [la bactérie en question, NDLR], ont refait des analyses bien plus contrôlées et bien plus propres que celles du premier article de 2010 paru également dans Science”, explique Céline Brochier-Armanet, enseignante à l’Université Lyon I, experte en microbiologie et évolution ancienne. Les auteurs de ces réfutations affirment non seulement que GFAJ-1 contient bel et bien du phosphore dans son ADN mais également qu’il ne contient aucune trace d’arsenic. En clair, ce que l’astrobiologiste Felisa Wolfe-Simon et son équipe ont trouvé dans le Lac Mono en Californie n'était pas une rencontre du troisième type.
Directement mise en cause dans ces nouvelles publications, cette scientifique financée par la Nasa a défendu ses recherches. Felisa Wolfe-Simon a affirmé, lundi, sur le site du magazine américain National Geographic que si les articles démontraient qu’il n’y avait pas d’arsenic dans l’ADN de cette bactérie, rien n’expliquait comment une forme de vie pouvait survivre dans le Lac Mono, réputé pour sa haute concentration en arsenic.
Des polémiques, encore des polémiques
Felisa Wolfe-Simon opère un reviremement spectaculaire : elle n'évoque plus l'existence d'une nouvelle forme de vie mais affirme qu'elle ne travaille que sur les raisons pour lesquelles cette bactérie résiste à un environnement hostile. Un coup rude pour la Nasa qui, à l'époque, avait versé dans le sensationnalisme triomphal et avait suscité un ramdam comparable à celui provoqué par la sortie d’un nouvel iPhone d’Apple.
Mais surtout, ces deux articles mettent un terme à 18 mois de polémiques. “Ce qui nous ramène au point de départ ou presque”, regrette un scientifique français membre de la société d’exobiologistes, souhaitant garder l'anonymat. Dès après la publication des résultats de l’équipe financée par la Nasa, les premières critiques étaient apparues. À l’époque c’était surtout la méthode scientifique qui était remise en cause. “Des techniques expérimentales de base en microbiologie pour tester la validité des résultats n’avaient pas été utilisées, ce qui a pu susciter un début de suspicion”, rappelle ce scientifique contacté par FRANCE 24. “Des expériences de physique très coûteuses avaient été engagées dans le but de confirmer ce qu’elle [Felisa Wolfe-Simon, ndlr] avait toujours vu avec les yeux de la foi, à savoir la connexion d’atomes d’arsenic et de carbone dans la biomasse de leur bactérie”, rajoute le biologiste Philippe Marlière dans un entretien accordé lundi au blog Sciences du quotidien Libération.
Les drôles d'annonces de la Nasa
“L’interprétation de Felisa Wolfe-Simon était trop prématurée et il était imprudent de publier les résultats en l'état”, résume la microbiologiste française Céline Brochier-Armanet.
À la Nasa, il ne faut pas oublier l'influence “des pressions extérieures”. C’est en décembre que se décide le budget de l’agence spatiale américaine et, à l’époque, les discussions autour des missions spatiales allaient bon train : une annonce du calibre de la découverte d’une nouvelle forme de vie était toujours bonne à prendre. Selon plusieurs chercheurs contactés par FRANCE 24, les annonces de fin d’année de la Nasa ne doivent pas être prises trop au sérieux. C’est d’ailleurs un secret de polichinelle dans les milieux scientifiques.
“Si le coup médiatique avait été important à l’époque, le retour de flamme aujourd’hui pour la recherche en exobiologie risque d’être tout aussi important”, regrette Céline Brochier-Armanet.