logo

Manuel Valls, l’homme de l’Intérieur qui voulait décomplexer la gauche

Le ministre de l’Intérieur souhaite mettre en œuvre une politique migratoire et de sécurité qui se situe entre fermeté et humanisme. Un exercice d’équilibriste pour le ministre le plus populaire du gouvernement.

"Etre de gauche, ce n’est pas régulariser tout le monde et se retrouver dans une impasse," lâche Manuel Valls dans les colonnes du quotidien "Le Monde" daté du 28 juin. D’ailleurs, il l’annonce dans la foulée : la situation économique et sociale de la France ne permettra pas de régulariser plus de 30 000 personnes par an, un quota déjà mis en place par le gouvernement Fillon. Une prise de position qui traduit la politique de fermeté voulue par le ministre de l’Intérieur, réputé être de l’aile droite du Parti socialiste. Mais Manuel Valls, soucieux de trancher avec son image de "Sarkozy de gauche", revendique également une politique plus souple que celle de son prédécesseur.

Monsieur sécurité

Pour l’étoile montante du PS, hors de question de laisser le domaine de la sécurité dans le giron de la droite. Manuel Valls le proclame : il veut décomplexer la gauche. D’ailleurs, le ministre de 49 ans a fait du thème sécuritaire l’un de ses fers de lance. Fort de son expérience d’élu de terrain - il a été député-maire d’Evry, banlieue réputée difficile, pendant 11 ans -, il publie en 2011 un livre intitulé "Sécurité: la gauche peut tout changer".

En tant que ministre de l'Intérieur, son premier champ d’action sera l’encadrement du travail des policiers. Soucieux de rétablir un lien de confiance entre les forces de l’ordre et les citoyens, Manuel Valls a banni l’emploi du tutoiement et les contrôles d'identité "abusivement répétés ou réalisés sans discernement". En revanche, la délivrance d'un récépissé suite à un contrôle d'identité, mesure voulue par Jean-Marc Ayrault, suscite, quant à elle, son scepticisme.

Dans ce même entretien accordé au "Monde", il esquisse également ses projets en matière de naturalisation. Tout en prônant un accès facilité à la nationalité française, celui qui rêvait un temps d’entrer à Matignon entend en préciser les contours à l’aide d’une circulaire. Né à Barcelone, ce fils d’un artiste-peintre fut lui-même naturalisé français en 1982.

"Manuel Valls est en phase avec les attentes des Français, en trouvant un juste équilibre par rapport à la politique menée par le précédent gouvernement, commente Gaël Sliman, directeur général adjoint de BVA, contacté par FRANCE 24. Il est à la fois radical dans le refus de la stigmatisation de l’autre et extrêmement ferme avec la petite délinquance."

L'un des acteurs majeurs de la campagne de François Hollande

Taxé de "socialiste de droite" par "L’Express", l’ancien adversaire de François Hollande durant les primaires - lors desquelles il a obtenu près de 6 % des voix - incarne en effet une politique moins ancrée à gauche que d'autres membres du PS, en raison notamment de sa prise de positon en faveur de la TVA sociale, censée sauvegarder les emplois et rendre les entreprises plus compétitives.

Mais le premier flic de France, un temps regardé d’un mauvais œil par ses camarades, jouit d’une belle côte de popularité : selon un baromètre BVA, il est le ministre le plus apprécié. "Il est considéré comme l’un des acteurs majeurs de la réussite de la campagne de François Hollande [au cours de laquelle il était en charge de la communication, ndlr], explique Gaël Sliman. Son action à ce moment-là lui a permis de redorer son blason parmi les socialistes. Mais au-delà de sa popularité à gauche, Manuel Valls réalise une vraie performance car il séduit également la droite."

Le chouchou de la droite

Dans les rangs de l’UMP, ce socialiste pas comme les autres inspire en effet des sentiments positifs. Le secrétaire général du parti, Jean-François Copé, a avoué avoir de la sympathie pour le personnage. Quant à l’ancienne ministre Valérie Pécresse, elle a estimé "qu’il [avait] plus d’ennemis dans son camp qu’à droite". "À l’époque des primaires, Manuel Valls a dénoncé un PS qu’il considérait comme trop mou, trop laxiste. Cette position lui a attiré une certaine sympathie de la droite," explique Gaël Sliman.

En 2009 notamment, sa position ferme contre le port de la burqa avait tranché avec la majorité des socialistes. Cette indépendance lui a valu l’image de quelqu’un de moins sectaire que ses amis politiques. Mais même si les critiques de ses adversaires sont jusque-là restées douces, son entrée au gouvernement pourrait changer la donne. "La politique que j’applique n’est pas celle de Manuel Valls, c’est celle du président de la République et du Premier ministre," a prévenu l’intéressé.