
Pour contrer l'essor des téléchargements illégaux sur Internet, le gouvernement présente, ce mardi, un projet de loi à l'Assemblée. Mais bien avant d'être soumis au vote des députés, le texte faisait déjà débat...
Cliquez ici pour regarder le débat de FRANCE 24 sur ce sujet.
Quel est le but du projet de loi ?
Présenté par la ministre de la Culture, Christine Albanel, il vise à enrayer (sans prétendre pouvoir stopper) le téléchargement illégal des œuvres culturelles - musique et films surtout - et de soutenir, de ce fait, les ayant droits.
Que propose-t-il ?
1. Il propose des mesures telles que la réduction du délai séparant la sortie des films en salle de leur diffusion sur DVD et Internet. La Fédération nationale des cinémas français (FNCF) serait désormais "prêt" à réduire ce délai de 4 à 6 mois, contre 6 à 18 mois actuellement.
2. Une "riposte graduée" en cas de téléchargement illégal repéré. L’internaute fautif recevrait d’abord un mail, puis une lettre recommandée, et enfin une coupure de son accès Internet pendant trois mois à un an (cette sanction pouvant néanmoins être réduite si l’internaute promet de pas récidiver).
3. La création d’un nouveau délit : le fait d’autoriser quelqu’un à pirater des œuvres culturelles sur sa ligne Internet. C’est donc bien le propriétaire de la ligne qui est tenu pour responsable en cas de piratage, non celui qui télécharge. En clair : "si un voisin pirate votre ligne, c’est vous qui êtes responsable", explique Anicet Mbida, grand reporter à 01 Informatique. C’est aussi au propriétaire de la ligne de veiller à ce qu’elle soit bien sécurisée. Cette sécurisation serait même à la charge de l’internaute.
4. La création d’une "Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet" (Hadopi), chargée de mettre en œuvre les sanctions. Administrative, cette autorité aurait aussi des pouvoirs judiciaires.
Qui le soutient ?
1. L’industrie de disque, qui continue de souffrir de la chute des ventes. En effet, les ventes de CD et DVD ont chuté de 132 millions d'euros (-19,9 %) en 2008, pour atteindre 530 millions - la sixième année de baisse consécutive.
2. 52 artistes (dont Johnny Hallyday, Jean-Jacques Goldman, Francis Cabrel ou encore Bob Sinclar) qui ont signé une pétition en faveur de la loi. Ils disent que le téléchargement illégal les inquiète et que le projet de loi leur "donne de très bonnes cartes pour qu'Internet, la culture et la création soient réconciliés".
Rappelons tout de même que 37 % des internautes français occasionnels âgés de 18 ans et plus reconnaissent avoir déjà téléchargé ou utilisé des contenus illégaux. (Sondage TNS-Sofres-Logica pour le quotidien Métro, 08/03/09).
Qui s'y oppose ?
1. 44 députés européens, membres de la commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures, qui ont voté un rapport affirmant que "chaque individu, tout au long de sa vie, devrait avoir le droit d’accéder à l’ordinateur et à Internet", et que "cet accès ne doit pas être refusé en tant que "sanction" contre les infractions des citoyens".
2. Certains députés de l’opposition (le socialiste Patrick Bloche parle d’un "pari perdu d’avance", Didier Mathus d’un "flicage généralisé des internautes"). Plusieurs députés de l'UMP ont également exprimé des réserves. Certains ont même déposé des amendements.
3. Les opérateurs qui, à l’exception de Numericable, ont tous protesté contre la proposition de couper l’Internet. Ils proposent à la place une amende forfaitaire. Ils soulignent aussi que, dans le cas fréquent des "triple-play", il serait techniquement très difficile de couper l’accès sans couper aussi le téléphone et la télévision. Enfin, ils s’inquiètent du prix des éventuelles coupures d’Internet.
4. La CNIL, chargée de veiller à la protection des données à caractère personnel et concernant la vie privée.
5. Nombre d’internautes qui font valoir qu’ils trouvent les sanctions proposées complètement disproportionnées par rapport à l’infraction. On relèvera en particulier le collectif citoyen "Quadrature du Net", qui appelle à un « black-out » du réseau. Cette idée s’inspire de la Nouvelle-Zélande, où les internautes ont récemment réussi à faire plier leurs députés qui proposaient une loi similaire. On notera aussi que la Suède a récemment durci sa législation contre le piratage, mais sans adopter un dispositif de "riposte graduée".
La blogosphère a donc été très active dans la contestation. Une chanson a même fait son apparition. Elle se moque de la loi, tout comme divers sites ou articles parodiques. Un article d’Agoravox ironise sur le nom de l’Hadopi, le transformant en "Hommage Absurde et Désespéré aux Obsédés du "Piratage sur Internet"". Un autre site a transformé le nom d’un site contre le piratage, soutenu par le gouvernement, "J’aime les artistes" en "J’aime les internautes." Sans parler des dessins humoristiques ou images se moquant de Christine Albanel.
Malgré toutes ces critiques, il reste hautement probable que la loi sera adoptée par les députés. Reste à savoir en quels termes…