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Hosni Moubarak, de la conquête à la chute du pouvoir

Alors que les Égyptiens connaîtront bientôt leur nouveau président, retour sur l’ascension, le règne et la chute d'Hosni Moubarak, qui fut pendant 30 ans le visage du pouvoir égyptien.

La confusion règne autour de l'état de l’ancien homme fort d’Égypte, Hosni Moubarak, qui a été déclaré cliniquement mort mardi soir par l'agence officielle Mena, après avoir été transféré à l'hôpital militaire du Caire à la suite d'une attaque cérébrale et d'une crise cardiaque qui l’ont plongé dans le coma.

Des sources contestent cette annonce, affirmant que le président est sous respirateur artificiel. La prudence est donc de rigueur. Mais il est certain que son état de santé s'était considérablement dégradé ces dernières semaines. Condamné le 2 juin à la prison à perpétuité pour avoir ordonné de tirer Place Tahrir sur les manifestants de la "révolution du Nil" qui le renversa en février 2011, l’ex-raïs était détenu dans l’aile médicalisée de la prison Torah. 

Selon l'agence de presse égyptienne Mena, son état de santé s'était aggravé après qu’il ait reçu, quelques jours avant le verdict du 2 juin, la visite de sa femme et de ses deux fils, Gamal et Alaa, tous deux incarcérés dans l'attente d'un nouveau procès pour manipulation boursière. Depuis, l’ex-chef de l’État était, à en croire l’agence Mena, en proie à la dépression et avait cessé de s’alimenter. Il avait déjà subi le 11 juin une défibrillation à deux reprises après des arrêts cardiaques. 

La condamnation à la perpétuité prononcée contre Hosni Moubarak avait été considérée comme trop clémente par un certain nombre de ses compatriotes. Certains d’entre eux réclamaient la peine capitale pour celui qui régna sur l’Égypte pendant trois décennies avant d’être renversé à la faveur d’un soulèvement populaire. Jusqu’à cette date, deux tiers des Egyptiens n’avaient alors connu que lui à la tête du pays.

Ascension fulgurante 

Hosni Moubarak ne se destinait pourtant pas à une telle carrière. Avant d’accéder à la plus haute fonction de l’État égyptien, en 1981, il envisageait plutôt de consacrer sa vie à l’armée. 

Brillamment diplômé de l’Académie de l’armée de l’air en 1950, le jeune Hosni gravit les échelons militaires jusqu’à être nommé commandant des Forces aériennes égyptiennes, en 1972. Sous ses ordres, les pilotes égyptiens infligent de lourdes pertes à Israël lors de la guerre du Kippour, en 1973. Hosni Moubarak est promu général. 

Deux ans plus tard, Anouar al-Sadate, alors chef de l’État, en fait son vice-président. "Moubarak était le second idéal : un homme discipliné, travailleur, loyal, sans ambition ni charisme, rapporte en 2005 le politologue Hicham Kassem au quotidien Le Monde. Le secrétaire d’État américain Henry Kissinger, qui le rencontre à cette époque, croit alors qu’il appartient au ‘petit personnel’ tant il était effacé." 

Quand Sadate est assassiné en 1981, Hosni Moubarak est rompu aux pratiques du pouvoir... Une semaine plus tard, il est élu à la présidence. Il a alors 53 ans.

Moubarak redonne une voix diplomatique à l’Égypte 

Dès son entrée en fonction, le nouveau président s’attache à redonner à son pays un rôle clé sur la scène internationale. "L’un des succès fondamentaux d’Hosni Moubarak a été de rallier les pays arabes aux Américains en 1990, lors de la première guerre du Golfe. Un coup de maître", estime Jean-Noël Ferrié, politologue, auteur de "L'Égypte entre démocratie et islamisme : le système Moubarak à l'heure de la succession". 

Sans pour autant retrouver le leadership dont elle jouissait sous Nasser (président de l’Égypte entre 1952 et 1970), l’Égypte de Moubarak se replace au cœur des enjeux stratégiques du Proche-Orient. Le Caire devient, en particulier, un médiateur incontournable du conflit israélo-palestinien. 

Mais la confiance que lui accordent les pays arabes finit par s’étioler, notamment après l’opération militaire israélienne contre la bande de Gaza, entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009. Pendant les raids, l’Égypte refuse d’ouvrir entièrement sa frontière avec l’enclave palestinienne bombardée. "Hosni Moubarak a poursuivi la politique de Sadate : celle de se tourner vers les États-Unis et Israël, analyse Jean-Noël Ferrié. Aujourd’hui, l’Égypte n’a plus l’aura qu’elle avait avant. Sur la scène régionale, elle cède sa place à l’Iran et à la Turquie." 

Dérives autoritaires en interne 

Sur le plan interne, au début de son mandat, Moubarak semble vouloir assouplir la politique de son prédécesseur. Il fait par exemple libérer 1 500 membres de la confrérie islamiste des Frères musulmans. Mais cette tolérance relative fait long feu. Dès 1984, l’organisation, tolérée mais non reconnue, acquiert une assise politique en s’alliant avec le parti Wafd et remporte quatre sièges au Parlement. Moubarak resserre la vis. Entre 1990 et 1997, la répression contre les Frères atteint son paroxysme : 68 islamistes sont exécutés, 15 000 sont enfermés dans les geôles égyptiennes. 

Pour faire taire les voix dissonantes, le "raïs" s’appuie sur un redoutable appareil policier et sur un système politique dominé par sa formation, le Parti national démocratique (PND). Seul et unique candidat aux élections présidentielles de 1987, 1993 et 1999, il les remporte, chaque fois, avec plus de 95 % des voix. En 2005 cependant, face au mécontentement grandissant de la population, il fait modifier la Constitution pour permettre la tenue d’élections multipartites. Un pluralisme de façade : au cours de la consultation organisée cette année-là, le pouvoir a minutieusement sélectionné les candidats. Et, sans surprise, Hosni Moubarak est réélu avec plus 88 % des voix.

"La révolution du Nil"

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Les hommes de l'ancien régime
Hosni Moubarak, de la conquête à la chute du pouvoir

Les dernières années de règne du président égyptien ont été marquées par une contestation croissante au sein de la population qui a débouché sur le mouvement de protestation ayant conduit à sa chute, le 11 février. Déclenchée 18 jours plus tôt, la révolte a vu des centaines de milliers de personnes descendre dans les rues du Caire pour protester contre leurs conditions de vie et réclamer le départ du vieux raïs.

Aussi rapide que spontanée, la révolution égyptienne s’est nourrie des difficultés économiques et sociales endurées par les Égyptiens. En 2010, 44 % de la population du pays vivait encore avec moins de 2 dollars par jour. Après avoir réduit l’opposition au silence, Hosni Moubarak s’est arrangé pour être reconduit dans ses fonctions haut la main avant d’être soupçonné de vouloir transmettre le pouvoir à son fils Gamal.

Un scénario que les Égyptiens veulent éviter à tout prix. L'ancien raïs laisse derrière lui une Égypte éprise de liberté et de démocratie. Des milliers d'Egyptiens manifestaient mardi soir place Tahrir au Caire pour dénoncer le "coup d'état constitutionnel" des militaires au pouvoir, qui viennent de s'octroyer de vastes prérogatives leur permettant de rester aux commandes quelle que soit l'issue de l'élection présidentielle.