D'anciens journalistes d'Al-Jazira, qui reprochaient à la chaîne qatarie son traitement partisan des révolutions arabes, ont fondé la nouvelle chaîne d'information Al-Mayadine. Son indépendance est pourtant loin d'être prouvée.
En arabe, "al-mayadine" signifie la place ou le terrain. La dernière des chaînes d’information arabophone lancée lundi 11 juin a choisi ce nom en référence aux révolutions arabes. Ayant choisi pour slogan, "la réalité telle qu'elle est", ce nouveau canal d'information panarabe a été fondé par un groupe d’anciens journalistes d’Al-Jazira. À la veille de la première émission de ses programmes diffusés par satellite dans le monde entier, Selim el-Meddeb, correspondant de FRANCE 24 à Beyrouth, a cherché à en savoir plus sur les rouages de cette nouvelle recrue dans le monde des médias.
Le directeur de la chaîne n’est autre que Ghassan Ben Jeddo, ancienne star d'Al-Jazira qui avait quitté la rédaction avec fracas aux débuts de la révolte syrienne. Il reprochait alors à la chaîne d’être trop partisane dans sa couverture des "printemps arabes" en appuyant sans réserve les positions diplomatiques du Qatar.
"J'ai eu le sentiment que d'une manière ou d'une autre, je perdais mon intégrité de journaliste en étant poussé à mentir", raconte Ali Hachem, ex-journaliste d'Al-Jazira aujourd’hui responsable des correspondants à Al-Mayadine. "Ce sont les propriétaires d'Al-Jazira, les Qataris, qui sont entrain de pousser la chaîne à commettre un suicide journalistique" s'alarme-t-il.
Un sentiment partagé par le directeur de l'information d'Al-Mayadine, Sami Kleib, une autre ex-vedette d'Al-Jazira. Il dénonce également une dérive partisane des principales chaînes panarabes.
"Quand vous alimentez par exemple les guerres confessionnelles dans le monde arabe vous êtes assassin, vous n'êtes plus journaliste", estime-t-il. "Notre métier c'est de raconter la réalité et non de la falsifier pour servir l'intérêt de tel ou tel pays".
Al-Mayadine serait donc une chaîne "anti-Al-Jazira". Ses fondateurs revendiquent une chaîne d’information indépendante à l’heure où partisans et opposants en Syrie se livrent aussi une guerre d’images.
Cependant, il se pourrait qu’Al-Mayadine ne soit pas aussi indépendante qu’elle le prétend. Des liens politiques existeraient avec Téhéran et Damas. L’épouse du directeur de l’information, Sami Kleib, n'est autre que la conseillère en communication du président syrien Bachar al-Assad.
Omar Ibhais, un producteur de télévision indépendant à Beyrouth, a indiqué à FRANCE 24 connaître l’origine des fonds de la nouvelle chaîne grâce à des sources internes. "La chaîne Al-Mayadine est le fruit d'un partenariat entre les Iraniens et Rami Makhlouf, cousin du président Bachar al-Assad", a-t-il expliqué. "Les Iraniens ont investi 5 millions de dollars, je pense, et Rami Makhlouf 25 millions".