Le président-candidat Nicolas Sarkozy a appelé à une refonte du rôle de la Banque centrale européenne afin qu’elle agisse sur la croissance. Une vieille revendication française qui s’est toujours heurtée au veto allemand.
C’est un refrain connu que Nicolas Sarkozy a entonné dimanche 15 avril lors de son grand meeting place de la Concorde à Paris. Le président-candidat a promis “d’ouvrir un débat” sur le rôle de la Banque centrale européenne (BCE) s’il était reconduit à l’Élysée le 6 mai prochain. Un souhait déjà formulé fin 2006 et repris à quelques jours de la présidentielle pour que cette institution joue un rôle plus important afin de soutenir la croissance européenne. Le même désir a aussi été exprimé par François Hollande dans un discours prononcé le 17 mars. Et il avait déjà été émis par Ségolène Royal lors de la présidentielle de 2007.
La Banque centrale européenne est donc l’un des boucs émissaires favoris des responsables politiques français qui lui reprochent d’être préoccupée exclusivement par la lutte contre l’inflation. “La maîtrise de l’inflation est sa principale mission d’après la traité de Maastricht [sur le fonctionnement des institutions européennes, NDLR]”, rappelle à FRANCE 24 Christophe Blot, spécialiste de l’économie européenne à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Cette institution s’est fixée comme objectif d’empêcher les prix d’augmenter de plus de 2 % par an dans la zone euro.
Pour Nicolas Sarkozy, François Hollande et les autres, cette priorité donnée à l’inflation empêche la BCE d’utiliser un éventail plus large d'outils qui pourraient se révéler utiles en temps de crise. Ils voudraient une Banque centrale qui “agirait davantage comme la Réserve fédérale américaine”, explique Nicolas Goetzmann, un gérant de fortune privée sur le site d’information français Atlantico. Depuis 2009, la “Fed” a injecté - en achetant des bons du Trésor américain - plus de 1 000 milliards de dollars dans l’économie afin de stimuler le crédit et donc la consommation. Conséquence de cette stratégie : les prix se sont envolés de plus de 3 % en 2011.
2012 vs 2007
Afin d'aller dans le sens d'une FED à l'européenne, il suffirait “de modifier les priorités de la BCE, et ajouter le soutien à la croissance et à l’emploi à la maîtrise de l’inflation dans le traité de Maastricht”, explique Christophe Blot. Sauf qu'un tel changement se heurte au veto constant de l'Allemagne. Car “dénoncer le rôle actuel de la BCE revient à critiquer la position de Berlin dans la crise de la zone euro”, souligne encore Christophe Blot. Un affrontement que Nicolas Sarkozy préfère éviter. C'est pourquoi, le président-candidat a nuancé, mardi 17 avril sur France Inter, sa position en affirmant que sa vision du rôle de la BCE "ne nécessite pas un changement des traités européens".
Une précision qui vise à rassurer le partenaire allemand. Le gouvernement de la chancelière allemande Angela Merkel s’est, en effet, toujours opposé à une réécriture des priorités de la Banque centrale européenne. “C’est la raison pour laquelle les promesses de 2007 de Nicolas Sarkozy sont restées lettre morte”, rappelle Christophe Blot. Berlin refuse que la BCE reçoive le feu vert institutionnel pour jouer au pompier de la zone euro car cela mettrait en péril le budget de l’institution et donc par ricochet celui des pays qui participent à son financement (l’Allemagne contribue à hauteur de 20% du budget de la BCE).
Mais Nicolas Sarkozy et François Hollande espèrent que 2012 ne sera pas comme 2007. La crise de la zone euro a-t-elle assoupli la position allemande ? “Angela Merkel n’a pas changé d’avis sur la question et le seul espoir pour la France de voir la situation se débloquer serait que la gauche allemande, moins dogmatique sur la question, arrive au pouvoir lors des élections législatives de 2013”, estime Christophe Blot.
Pragmatique
L’Allemagne sait, cependant, se montrer pragmatique à l’occasion. En décembre 2011 et mars 2012, elle a fermé les yeux lorsque la BCE a prêté massivement de l’argent (près de 730 milliards d’euros en tout) à plus de 800 banques européennes qui n’arrivaient plus à lever des fonds sur les marchés financiers. Cette intervention était pourtant contraire à la lettre du traité de Maastricht.
Ce laissez-faire germanique résulterait d’un accord conclu avec la France lors du sommet de Strasbourg du 24 novembre. Les deux principales puissances économiques de la zone euro se seraient entendus pour “ne jamais évoquer la Banque centrale européenne, mais la laisser faire. Ce pacte hypocrite valait autorisation pour la BCE de mener toutes les opérations, y compris les plus hétérodoxes, pour sauver l'euro”, assure ainsi le quotidien Le Monde. L’appel de dimanche de Nicolas Sarkozy à revoir le rôle de la Banque centrale brise ce pacte. Et Berlin n’a pas tardé à réagir. “La position de l’Allemagne sur la BCE et son rôle est connu par Paris et demeure inchangé depuis longtemps”, a affirmé lundi Steffen Seibert, porte-parole de la chancelière Angela Merkel.