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Des dizaines de milliers de Syriens sont descendus dans les rues pour défier le pouvoir, vendredi, lors des premières manifestations depuis le cessez-le-feu. Russes et Occidentaux débattent à l'ONU d'une résolution pour l'envoi d'observateurs.

AFP - Des dizaines de milliers de Syriens ont manifesté vendredi à travers le pays pour tester l'engagement du régime à respecter le plan de paix international, mais le cessez-le-feu déjà précaire a été de nouveau menacé par la mort de huit personnes dans des violences.

Si les forces de sécurité ont tiré pour disperser des manifestations appelant à la chute du

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"La Syrie est dans une situation fragile qu'il faut suivre de près.", Bernard Valero, porte-parole du Quai d'Orsay

régime de Bachar al-Assad, le bilan depuis l'entrée en vigueur de la trêve jeudi matin est en nette rupture avec ces derniers mois, au cours desquels les morts se comptaient par dizaines chaque jour.

A la faveur de l'accalmie, le Conseil de sécurité de l'ONU examine l'envoi d'observateurs pour surveiller l'application du plan de l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe Kofi Annan en Syrie, où les troupes ont été maintenues en force dans les villes contrairement au plan.

Mais la Russie, alliée de M. Assad, s'oppose au projet de résolution présenté par l'Occident, rendant difficile un vote vendredi. Le Conseil de sécurité espérait adopter rapidement une résolution envoyant jusqu'à 30 observateurs militaires dès la semaine prochaine en Syrie.

Depuis le début en mars 2011 de la révolte populaire violemment réprimée, les autorités imposent des restrictions draconiennes à l'accès des journalistes et des humanitaires, empêchant toute vérification des informations par des sources indépendantes.

Les militants et l'opposition ont dit vouloir faire de la journée de vendredi, placée sous le slogan de "la Révolution pour tous les Syriens", un test pour le régime qui a cherché à écraser la contestation qui s'est militarisée au fils des mois.

"Dès lors que les troupes sont obligées d'alléger la pression, les Syriens peuvent décider par eux-mêmes de se joindre ou pas à cette révolution populaire", estime Karim Bitar, chercheur associé à l'IRIS, spécialiste du Proche et Moyen-Orient.

Le plan Annan prévoit, outre la cessation des hostilités, le retrait de l'armée des villes, le "droit de manifester pacifiquement" et un dialogue entre l'opposition et le pouvoir. Les autorités ont néanmoins rappelé que toute manifestation devait être autorisée au préalable.

Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a appelé à poursuivre la mobilisation pour obtenir la chute de M. Assad, dont la famille est au pouvoir depuis plus de 40 ans.

"Le peuple veut la chute du régime", "Nous allons voir les promesses d'Assad de cessez-le-feu", ont scandé des manifestants, qualifiant l'armée de "traître", selon des vidéos mises en ligne par des militants.

Plusieurs courants de l'opposition refusent tout dialogue avec M. Assad, ce qui fait craindre aux analystes un blocage du plan Annan, soutenu par l'ONU.

Sur le terrain, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a fait état de la mort de quatre manifestants tués par les forces de sécurité à Hama (centre), ainsi que dans les régions d'Idleb (nord-ouest) et de Deraa (sud).

Deux autres civils ont péri, l'un dans la banlieue de Damas par des tirs des troupes et l'autre à Homs (centre) par des obus, selon l'OSDH. Deux militaires ont en outre été tués à Alep (nord) et Hama.

De brefs combats entre soldats et militaires dissidents ont également eu lieu à la frontière avec la Turquie, selon l'OSDH, qui avait fait état pour la journée de jeudi de 10 morts, dont sept civils.

Selon l'OSDH, les manifestations de vendredi ont été "plus importantes que les semaines précédentes" dans la quasi-totalité des provinces, en dépit d'un déploiement militaire massif.

M. Annan a estimé que Damas n'avait techniquement pas respecté son plan mais que le cessez-le-feu était "une chance à saisir". Le président français Nicolas Sarkozy a assuré ne pas croire à la "sincérité" de M. Assad, accusé par l'Occident d'avoir failli à ses engagements depuis le début de la crise.

L'émissaire international a en outre réclamé un "accès humanitaire" en Syrie, le général norvégien Robert Mood, chargé de préparer la mission des observateurs, ayant évoqué un besoin pressant d'"aide humanitaire massive" pour un million de Syriens qui manquent de nourriture, de couvertures et d'eau.

Le général Mood s'était rendu la semaine dernière en Syrie pour préparer l'arrivée de l'équipe avancée des observateurs. Mais la suite de sa mission dépend désormais du vote à l'ONU.

Depuis près de 13 mois, les violences ont fait plus de 10.000 morts, selon l'OSDH, et poussé des dizaines de milliers de Syriens à fuir vers les pays voisins -Turquie, Jordanie et Liban.

La Turquie a commencé à recevoir de l'aide internationale pour les réfugiés sur son territoire et la France a annoncé qu'elle envisageait d'envoyer une aide humanitaire à ceux réfugiés en Jordanie.

La Russie a quant à elle annoncé qu'elle allait déployer "en permanence" des navires de sa flotte près des côtes syriennes.