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"Les Inrockuptibles" dans le collimateur de Jérôme Kerviel

Condamnés en 2010 pour avoir qualifié Jérôme Kerviel d'"arnaqueur", "Les Inrockuptibles" doivent verser 51 500 euros à l'ex-trader. Une addition que la direction de l'hebdomadaire juge particulièrement salée pour un délit de presse.

Comment transformer 4 000 euros en 51 500 euros ? Jérôme Kerviel, condamné à trois ans de prison ferme en octobre 2010 pour avoir causé des pertes de 4,9 milliards d’euros à la Société générale, est parvenu à effectuer l'opération.

L’ex-trader demande en effet à l’hebdomadaire culturel français "Les Inrockuptibles" de lui verser 51 500 euros en application d’une condamnation pour diffamation qui remonte à novembre 2010, raconte le quotidien "Libération" dans son édition du mardi 27 mars.

Dans une chronique littéraire paru en ligne le 23 mars 2010, le magazine, possession du banquier Matthieu Pigasse, également co-propriétaire du journal "Le Monde", avait eu l’audace de qualifier Jérôme Kerviel d’”arnaqueur". Un terme qui n'avait pas été du goût de l'intéressé. S’il a certes été reconnu coupable de “faux et usage de faux”, d’”abus de confiance” et de “fraude”, l'ancien trader ne s’est pas enrichi personnellement selon la condamnation. En clair, le jugement ne fait état d'aucune "arnaque".

Saisie par l’ancien employé de la Société général, la justice reconnaît en novembre 2010 que “Les Inrockuptibles” sont coupables de “propos diffamatoires, injurieux et contraires à la présomption d’innocence”. Résultat, l’hebdomadaire est condamné à 4 000 euros d’amende. À cette peine le tribunal ajoute une obligation qui s’avérera cher au magazine : publier la décision judiciaire sur la page d'accueil de son site pendant 15 jours. Ce à quoi la direction du magazine croit bon pouvoir se soustraire.

Erreur d’appréciation

“On a considéré que, comme nous avions fait appel, on pouvait se passer” de cette publication en ligne, reconnaît David Kessler, aujourd’hui directeur général des "Inrocks" auprès de "Libération". Problème : chaque jour  de retard coûte 500 euros et l’appel n’est pas suspensif. Lorsque, 103 jours plus tard, la rédaction se décide à publier la décision judiciaire les 4 000 euros sont alors devenus 51 500 euros.

Une addition très salée pour un délit de presse où la diffamation est généralement punie au maximum par une amende de 12 000 euros. Surtout pour Matthieu Pigasse qui se résigne difficilement à “devoir verser de l’argent à un type pour non-respect de la présomption d’innocence, alors qu’il a été condamné, ce qui est pénible”, assure David Kessler. Pénible mais de plus en plus inéluctable au fil des infructueuses procédures lancées par les "Inrocks", qui n'ont toujours pas réussi à convaincre la Cour d’appel que la publication de la décision allait “jeter définitivement un discrédit” sur le site Internet de l'hebdomadaire.