Des milliers d'opposants au régime syrien ont manifesté vendredi à travers le pays pour réclamer une intervention militaire étrangère alors que Kofi Annan doit exposer devant le Conseil de sécurité les résultats de sa mission en Syrie.
AFP - Des milliers de manifestants anti-régime ont défilé vendredi en Syrie pour réclamer une "intervention militaire immédiate", avant un compte-rendu de l'émissaire Kofi Annan au Conseil de sécurité de l'ONU sur sa mission visant à mettre fin à un an d'effusion de sang.
Les forces syriennes ont tué 45 civils dans la province d’Idlib, près de la frontière turque, a affirmé jeudi soir l’Observatoire syrien pour les droits de l’homme (OSDH).
L’Observatoire, basé à Londres, avait rapporté un peu plus tôt jeudi que 23 corps avaient été abandonnés dans une fosse commune près d’Idlib. Certains cavadres, menottés et les yeux bandés, portaient des traces de torture. Tous ont été tués par balles, selon l’OSDH.
A l'issue de la prière musulmane de la mi-journée, des rassemblements ont eu lieu en dépit du quadrillage de l'armée notamment dans les régions de Homs (centre), d'Alep (nord) et de Deraa, berceau de la contestation dans le sud.
"Le peuple veut une intervention militaire, l'armement de l'Armée syrienne libre (ASL) et la chute du régime", ont scandé plusieurs milliers de manifestants réunis à Alep, longtemps peu touchée par la contestation et désormais gagnée par la mobilisation anti-régime, selon un militant sur place joint par l'AFP.
Alors que la révolte est entrée dans sa deuxième année, elle se militarise et l'opposition comme certains pays, notamment du Golfe, appellent à armer les déserteurs regroupés dans l'ASL, tandis que certains réclament une intervention militaire étrangère.
Au contraire, le régime, qui se targue du soutien du peuple dans la lutte contre les "gangs terroristes" auxquels il attribue les violences, a fait jeudi une démonstration de force en mobilisant des dizaines de milliers de manifestants en soutien au président Bachar al-Assad.
Et vendredi, la télévision d'Etat diffusait des images d'une foule brandissant des drapeaux syriens réunie sur une importante place de la capitale.
Alors que le pays est plus divisé que jamais un an après le début de la révolte populaire, M. Annan doit s'adresser vers 14h00 GMT par vidéo-conférence depuis Genève au Conseil de sécurité de l'ONU pour rendre compte de sa visite le week-end dernier en Syrie où il a eu deux entretiens avec M. Assad.
Depuis le début le 15 mars 2011 de cette révolte, née dans le sillage du Printemps arabe, plus de 9.000 personnes, en grande majorité des civils ont péri dans les violences, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
M. Annan, émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe, avait quitté la Syrie sans avoir obtenu un accord sur la cessation des violences. Mais il est resté en contact avec les autorités syriennes.
Il a reçu mercredi une réponse de M. Assad à ses propositions de règlement mais souligné avoir demandé des éclaircissements. Sa mission était axée selon lui sur la nécessité "d'un arrêt immédiat des violences et des meurtres, d'un accès aux organisations humanitaires et d'un dialogue" politique.
L'ONU doit participer ce week-end pour la première fois à une mission humanitaire en Syrie, "menée par le gouvernement", selon la responsable des opérations humanitaires des Nations unies Valerie Amos.
L'agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) s'est dite inquiète pour la sécurité alimentaire en Syrie, particulièrement pour 1,4 million de personnes.
En outre, l'ONU estime à plus de 30.000 les Syriens réfugiés dans les pays voisins et quelque 200.000 les déplacés à l'intérieur du pays.
Pour le moment, la situation est bloquée au Conseil de sécurité, Pékin et Moscou, des alliés du régime, faisant barrage à toute résolution condamnant la répression.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a indiqué que son pays utilisait ses contacts avec le régime pour faire en sorte qu'il coopère pleinement avec M. Annan.
"Les autres membres du Conseil de sécurité doivent aussi faire leur travail et demander de leur côté à l'opposition de ne pas provoquer une escalade de la situation", a-t-il souligné.
Le bloc Occident-pays arabes refuse de mettre sur le même diapason les forces du régime qui répriment la révolte et les opposants armés qui affirment défendre les civils ou leurs cités.
Mais même s'ils condamnent le régime, les Occidentaux sont opposés à l'idée d'une intervention militaire et sont réticents, au contraire du Qatar et de l'Arabie saoudite, à armer l'opposition surtout que celle-ci a commencé à montrer des signes de profondes divisions.
En signe de protestation contre "la persistance du régime à massacrer son peuple (...) et à refuser toutes les initiatives en vue d'une solution", les six monarchies du Golfe ont décidé de fermer leurs ambassades à Damas, selon le chef du Conseil de coopération du Golfe (CCG), Abdellatif al-Zayani.
De son côté, Ankara a recommandé à ses ressortissants de quitter la Syrie, où "les développements présentent de sérieux risques de sécurité'.
Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a en outre indiqué que son gouvernement, qui a rompu avec son ancien allié syrien, réfléchissait à rappeler son ambassadeur en poste à Damas.
Sur le terrain, au lendemain de la mort de 34 personnes dans les violences, un civil a été tué par les forces de sécurité à Deir Ezzor (est) et sept personnes ont péri dans la province de Damas, selon l'OSDH.