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Le racisme, gangrène toujours présente sur les stades européens

De nombreux cas avérés de racisme se sont produits récemment dans plusieurs stades de football. Qu'il soit l'œuvre de "pseudo-supporters" ou de certains joueurs, le phénomène ne s’essouffle pas, bien au contraire.

L’UEFA, l’instance suprême du football européen, a ouvert mardi 21 février une enquête disciplinaire envers le club portugais du FC Porto pour "comportement inapproprié", à la suite d’accusations de racisme portées par Manchester City. Le club anglais avait en effet déposé une plainte auprès de l’UEFA pour dénoncer les chants racistes adressés par des supporters portugais à l’attaquant italien d’origine ghanéenne Mario Balotelli lors du 16e de finale aller de la Ligue Europa, jeudi 16 février dernier.

Cette affaire intervient dans un contexte de recrudescence de phénomènes racistes, qui ne concernent pas uniquement des supporters, mais bien des joueurs, notamment en Angleterre où plusieurs cas ont récemment défrayé la chronique.

Liverpool encore touché par le racisme

Après l'affaire Suarez-Evra, Liverpool a dû faire face à un nouveau cas de racisme. Le club de la Mersey a présenté, dimanche 8 janvier, ses excuses officielles à Tom Adeyemi, le milieu de terrain d'Oldham, club de D3 anglaise. Dix minutes avant la fin de la rencontre, le joueur a été la cible d'injures xénophobes de la part d'un supporter des Reds. Selon des témoins, le spectateur, qui portait un tee-shirt de soutien à Luis Suarez, a traité Adeyami de "fucking black bastard". Dans un communiqué, le club se dit "profondemment désolé" par l'incident.

Le Premier ministre britannique s’empare du sujet

Le 15 octobre dernier, l’attaquant uruguayen de Liverpool Luis Suarez avait proféré des injures à caractère raciste à l'encontre du Français Patrice Evra. Des propos sanctionnés par la Fédération anglaise de football, qui lui a infligé une suspension de huit matches et 48 000 euros d’amende.

Huit jours plus tard, le défenseur international de Chelsea John Terry se rend coupable d’insultes racistes à l'encontre d'Anton Ferdinand lors du match des Blues face aux Queens Park Rangers. La réplique est immédiate : la justice anglaise s’empare de l’affaire et poursuit Terry pour atteinte à l'ordre public aggravée de racisme. Le procès est prévu le 9 juillet prochain après l’Euro-2012. Mais d’ores et déjà, Terry s’est vu retirer le brassard de capitaine de l’équipe d’Angleterre !

Car Outre-Manche, le sujet est toujours très sensible. Mercredi, c’est le Premier ministre britannique en personne qui a réagi. "La récente vague de scandales racistes dans le football anglais ne doit pas nous ramener aux heures sombres du passé", a déclaré David Cameron, qui a été l'hôte ce même jour à Downing Street d'une table ronde sur ​​la question. Le racisme est de retour sous les projecteurs", a ajouté le Premier ministre britannique dans le quotidien The Sun.

En France, qu’en est-il ? Les phénomènes racistes dans le football sont-ils nombreux ? Comment lutter contre ? L’état des lieux du commissaire Antoine Boutonnet, chef de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme, à l’occasion de la publication, en début de semaine, du bilan fait par ses équipes à mi-saison.

Les anciens joueurs John Barnes, Graeme Le Saux ou encore Paul Elliott, touchés par le racisme dans les stades anglais dans les années 1980, ont participé à la table ronde organisée à Downing Street mercredi par le Premier ministre britannique David Cameron. 

FRANCE 24 : Qu’avez-vous constaté dans votre bilan effectué à mi-saison au sujet des phénomènes racistes ?

Antoine Boutonnet : Nous n’avions pas eu de problème de racisme, d’antisémitisme ou d’homophobie depuis deux ans. Mais en 2011, nous avons constaté le retour de ces phénomènes ! Nous avons des indicateurs dans les renseignements et également des faits avérés.

Par exemple, le 28 janvier dernier à Brest, un spectateur a effectué un salut nazi en tribune. De même, au terme d’une enquête longue et minutieuse, nous avons interpellé six "supporters" lyonnais qui avaient mené une expédition punitive à Saint-Étienne. Ils avaient tagué des véhicules de supporters stéphanois et un immeuble de signes racistes, tels que des croix gammées. Mais nous avons également des enquêtes en cours, comme celle concernant toujours certains "supporters" lyonnais qui ont entonné des cris de singe à l’adresse de Montpelliérains lors de la rencontre Lyon-Montpellier, disputée en août 2011.

Certains clubs sont-ils plus dans le viseur de la police que d’autres ?

A. B. : On a tendance à prendre comme exemple le Paris Saint-Germain, mais avec le PSG, on note une baisse significative des problèmes dans les stades et à leurs abords. Il convient tout de même de rester vigilant. En revanche, les supporters de cinq clubs de Ligue 1 [Nice, Montpellier, Lyon, Bordeaux, Saint-Étienne, NDLR] et de deux de Ligue 2 [Bastia, Lens, NDLR] sont particulièrement surveillés en raison de faits de violence.

Quels sont vos moyens pour lutter contre ces cas de racisme en tribune ?

A. B. : Tout d’abord, nous avons un correspondant dans chaque club qui traite directement avec les supporters. Nous avons aussi mis en place des actions d’information, de prévention. Car il faut savoir que ce sont les clubs qui sont garants de la sécurité dans leur enceinte.

Deuxièmement, nous avons douze sections d'intervention rapide (SIR), une police en jogging spécialement formée pour intervenir très rapidement dans les stades en cas d’infractions.

À ce titre, nous avons procédé depuis le début de la saison à 447 interpellations (383 en Ligue 1 et 64 en Ligue 2). Nous avons également 393 interdits de stade.

À votre niveau, pouvez-vous agir contre les clubs ?

A. B. : Non ! Nous nous ne pouvons pas sanctionner les clubs, seule la Ligue de football professionnel (LFP) le peut via sa commission de discipline. Mais nous évoluons en étroite collaboration avec la LFP et les clubs.

Il n'y a pas de racisme ! Il peut y avoir un problème entre joueurs, l'un ayant des mots ou des gestes incorrects envers l'autre. Mais celui qui est victime de ça devrait se dire que ce n'est qu'un jeu et que ça peut arriver. On est dans un jeu et à la fin on se serre la main.

Joseph Blatter, président de la Fifa, dans un entretien accordé à CNN International le 17 novembre 2011

Notre division ne peut prendre que des sanctions individuelles. On peut aussi sanctionner des groupes, mais uniquement au niveau administratif (dissolution de groupe de supporters par exemple). Au niveau judiciaire, il n’y a pas de sanctions collectives, donc pour lutter contre les cris de singe par exemple, c’est très compliqué !

Nous avons tout de même l’arsenal répressif le plus fort d’Europe, le plus efficace également. Le principe est celui de la tolérance zéro, en particulier dans les enceintes sportives.

Justement, y a-t-il une collaboration européenne sur ces sujets ?

A. B. : Le problème, c’est que la règlementation est différente dans chaque pays, même si elle tend vers une harmonisation. Nous avons mis en place un groupe de réflexion sur la stratégie à mettre en place au niveau européen.

Toutefois, il y a déjà des collaborations entre les forces de l’ordre françaises et étrangères, lors des déplacements des équipes en Coupe d’Europe (Ligue des Champions et Ligue Europa).

Mais on peut vraiment dire qu’il y a un modèle français. Nous avons un arsenal répressif très intéressant, ce n’est pas forcément le cas ailleurs !

Tags: Racisme, Football,