Le nouveau plan d’austérité grec prévoit une importante réduction du salaire minimum dans le pays pour en accroître la compétitivité. L’Europe veut, elle, qu’Athènes aille encore plus loin. Une stratégie potentiellement contre-productive.
Cela n’a pas suffit. Le Premier ministre grec, Lucas Papademos, s’est présenté jeudi à Bruxelles avec un accord sur un nouveau plan d’austérité arraché de haute lutte aux trois partis de sa coalition gouvernementale, mais l’Eurogroupe lui a répondu qu’il fallait faire plus. Athènes doit désormais trouver en une semaine comment faire 325 millions d'euros d’économies budgétaires supplémentaires. Un nouvel effort exigé par la troïka (Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Union européenne) pour qu'elle débloque le nouveau programme d'aide de 130 milliards d'euros promis au pays.
itLes échanges lors de la réunion entre la délégation grecque et ses bailleurs de fonds auraient été, selon le Premier ministre luxembourgeois et président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker, “assez vifs”, les partenaires européens d’Athènes pointant du doigt les “nombreuses lacunes” du nouveau plan de rigueur grec.
Un avis que la population grecque, elle, ne partage pas. Face à cette nouvelle cure d’austérité, les deux principaux syndicats du pays - Adedy pour le public et GSEE pour le privé - ont appelé à une grève générale de deux jours à partir de ce vendredi.
Recommandatations du FMI
Il faut dire que la potion amère concoctée par le gouvernement pour obtenir le déblocage
Les deux grandes centrales syndicales grecques, Adedy pour le public et GSEE pour le privé, et le syndicat communiste Pame, ont appelé jeudi à une grève générale vendredi et samedi contre les nouvelles mesures de rigueur réclamées par l'UE et le FMI en échange d'un nouveau prêt.
Ouvrant le bal de cette contestation, plus de 8.000 sympathisants de gauche ont manifesté jeudi soir dans le centre d'Athènes, selon les chiffres de la police.
de l’aide internationale a, cette fois-ci, pour cible principale les salaires du secteur privé. De quoi mobiliser une population qui a déjà vu son pouvoir d’achat chuter au fil des trois plans d’austérité mis en place depuis que la Grèce a été mise sous perfusion financière internationale, au printemps 2010.
Si le Parlement grec vote ce nouveau plan, le salaire minimum sera abaissé de 22 % pour être ramené à 586 euros brut sur 14 mois. Les moins de 25 ans seront encore moins bien lotis puisque leur salaire minimum chutera de 32 %. Des propositions gouvernementales qui vont encore plus loin que les recommandations du FMI, qui n’avait préconisé qu’un rabais de 20 % du salaire minimum.
Mais cette attention spéciale portée aux salaires dans le privée suit, toutefois, les recommandations faites par l'institution dirigée par la Française Christine Lagarde, qui juge que la Grèce manque de compétitivité face aux autres pays de la zone euro et que cette situation est, en partie, liée à son coût du travail. Les entreprises grecques n’auraient en effet que peu de chance d’être compétitives avec le niveau du salaire minimum actuel. Le FMI rappelle qu’au Portugal, le gouvernement a déjà ramené le smic à 560 euros brut par mois. L’agence européenne de statistiques Eurostat rappelle en outre que depuis le début des années 2000, le coût salarial en Grèce a augmenté de près de 35 % quand il n’a progressé que de 6 % en Allemagne sur la même période.
Salaires vs qualité
Reste que ces sacrifices sur l’autel de la compétitivité ne sont pas convaincants pour tout le monde. “Cette idée que les Grecs seraient non compétitifs est réductrice et fausse”, juge l'économiste américaine Rebecca Wilder sur le blog spécialisé EconoMonitor. Elle explique, notamment, que depuis le début de la crise, en 2009, la Grèce est le pays de la zone euro qui a fait le plus d’efforts en terme de réduction des salaires. “Alors qu’en France et en Autriche, le coût du travail a progressé respectivement de 5,7 % et de 4 %, il a baissé de 5,1 % en Grèce”, relève-t-elle en soulignant que la progression des salaires grecs survenue auparavant correspondait essentiellement à un rattrapage pour se mettre au niveau des autres pays européens.
En outre, le principal secteur exportateur, en Allemagne comme ailleurs, est l’industrie. Dans ce domaine, le coût salarial horaire grec est déjà l’un des plus bas d'Europe. Il est, selon une étude de janvier 2012 de la banque française Natixis, de 16 euros/heure contre 33 euros en Allemagne.
Tout cela prouve que “penser que réduire les salaires est une condition sine qua non pour restaurer la compétitivité en Europe du Sud est un non-sens”, assure au quotidien français Le Monde Gilles Moëc, un analyste de la Deutsche Bank. Le prix et le niveau de salaire ne font pas tout lorsqu’on parle de compétitivité. “On achète des machines à laver allemandes avant tout parce qu’elles sont de meilleure qualité”, souligne Laurence Boone, économiste chez Bank of America Merill Lynch.
Impact social
Pour ces économistes, si “l’effet des baisses de salaires sur la compétitivité grecque sera faible, l’impact social risque d’être énorme”, prévient de son côté l’économiste grec Yannis Stournaras dans le New York Times. Le coût du travail réel en Grèce, c’est à dire le niveau des salaires par rapport aux prix à la consommation, est déjà l’un des plus bas d'Europe, selon le rapport de Natixis.
S’en prendre, comme le préconise le nouveau plan de rigueur grec, au salaire minimum va surtout paupériser la frange la plus fragile économiquement de la société. Outre le mécontentement que cela risque d’engendrer, le quotidien libéral grec Kathimerini craint également un impact sur la consommation intérieure grecque qui est, jusqu’à présent, supérieure à celle du Portugal ou de l'Espagne.