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L’intégralité du rapport de mission des observateurs de la Ligue arabe en Syrie a été dévoilée par le magazine américain Foreign Policy. Le document pointe du doigt les manquements des observateurs sur le terrain.

"C’est regrettable, mais certains observateurs ont pensé que leur mission en Syrie était un voyage d’agrément." Cette phrase, édifiante, est extraite du très officiel rapport de mission des observateurs de la Ligue arabe en Syrie, rédigé par son chef, le controversé général soudanais Mohammed al-Dabi. L’intégralité du document, qui fait porter au régime du président Bachar al-Assad et à l’opposition la responsabilité des violences, a été dévoilée le 30 janvier par le prestigieux magazine américain Foreign Policy.

Requêtes financières déplacées 
En marge du récit de la mission, débutée le 26 décembre 2011, c’est surtout l’ensemble du chapitre consacré au comportement global des 166 observateurs arabes qui interpelle. "Dans certains cas, les experts n’étaient pas qualifiés pour le travail, n’avaient pas d’expérience antérieure et n'étaient pas capables d’assumer leurs responsabilités", écrit Mohammed Ahmed Moustapha al-Dabi.
Ce dernier y dénonce le manque flagrant de compétences et l’incapacité physique de certains observateurs à accomplir leur tâche. "Certains observateurs de la mission sont vieux, certains souffrent de problèmes de santé qui les empêchent de remplir leur mission." D’autres, poursuit le rapport, "n’ont pas évalué l’importance de faire prévaloir les intérêts arabes sur les intérêts personnels". Pis, le général soudanais fait également état de requêtes financières déplacées, compte tenu de la situation sur le terrain. "Certains observateurs en mission hors de la capitale ont demandé un hébergement d’un standing comparable à celui dont bénéficiaient leurs collègues à Damas ou un dédommagement financier équivalent à la différence de prix entre les tarifs hôteliers pratiqués à Damas et ceux de l’hôtel les hébergeant".
Un bilan "grotesque"
On y apprend également que 22 observateurs se sont excusés de ne pouvoir continuer leur mission pour raisons personnelles et que "certains ont avancé d’autres arguments factices que le chef de mission a jugés inacceptables, alors que d’autres se sont avérés agissant pour leur propre agenda". En outre, le chef de la mission, qui a tout de même salué la performance générale des observateurs, a tenté de justifier les manquements de certains d’entre eux par une méconnaissance de la région et la crainte suscitée par certaines situations à risque.
"Ce bilan frise le grotesque et pointe l’amateurisme de la Ligue arabe, qui n’a pas préparé cette mission comme il fallait", confie sous couvert d’anonymat un diplomate arabe en poste à Paris, contacté par FRANCE 24.  
En conclusion du rapport, le général Al-Dabi affirme que ces "quelques maladresses" vont être corrigées avec la pratique. Il recommande aussi le renforcement de la mission grâce au déploiement de 100 observateurs supplémentaires, "de préférence jeunes et avec une expérience militaire", de trente véhicules blindés, de gilets pare-balles, de cameras et de jumelles à vision nocturne.
L'incapacité des observateurs à faire appliquer le plan de sortie de la Ligue arabe prévoyant l'arrêt de l'effusion de sang leur a valu de vives critiques de l'opposition au régime syrien et d'ONG arabes et internationales. La mission a été suspendue le 28 janvier en raison de la recrudescence des violences dans le pays.