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Comparaissant devant le Tribunal suprême de Madrid, Baltasar Garzon a qualifié les disparition de civils sous le franquisme de "crimes contre l'humanité". Il est accusé d'avoir enquêté sur l'Espagne franquiste malgré la loi d'amnistie de 1977.
AFP - Le juge espagnol Baltasar Garzon a qualifié mardi devant le Tribunal suprême de Madrid de "crimes contre l'humanité" les disparitions de civils sous le franquisme, expliquant ainsi sa tentative d'enquêter sur ce dossier qui lui vaut un procès polémique.
Avant d'entendre la déposition du magistrat, le Tribunal a décidé de mener à son terme ce procès, en dépit d'une demande d'annulation soutenue à la fois par le parquet et par la défense qui mettent en cause la faiblesse de l'accucation.
Assis sur le banc des accusés, le juge Garzon a tenté de justifier l'enquête qu'il a réalisée de 2006 à 2008 sur le sort de plus de 100.000 disparus, dénonçant des crimes "imprescriptibles".
Les familles de victimes, qui l'avaient saisi en 2006, décrivaient une série de faits, a-t-il déclaré, "disparitions, détentions illégales, assassinats", qui pouvaient être qualifiés "dans certains cas de crimes contre l'humanité, de génocide".
Il s'agissait, a-t-il ajouté, de "faits d'élimination systématique en vertu d'un plan conçu à l'avance", "de milliers et de milliers de personnes toujours portées disparues à ce jour". "Toute la dynamique était pratiquement identique" à celles d'autres dictatures, a-t-il dit en allusion au régime nazi et au fascisme en Italie.
La campagne entreprise par ses partisans dénonce le "paradoxe" qu'il y a à voir jugé le magistrat qui a osé ouvrir le dossier des disparus de la guerre civile et de la dictature, un sujet qui reste tabou en Espagne 37 ans après le retour à la démocratie.
Aux portes du Tribunal suprême, environ 200 manifestants s'étaient réunis mardi, criant qu'"il faut juger les crimes franquistes", autour d'une grande banderole comprenant d'anciennes photos en noir en blanc et de simples cases marquées d'un point d'interrogation.
"Dans le système judiciaire, il reste des séquelles de l'ancien régime (la dictature). Ce procès est une honte pour l'Espagne et pour le monde", lançait Pio Maceda, l'un des manifestants.
"Le spectacle d'un juge en position d'accusé, devant justifier son enquête sur des tortures, des meurtres et des disparitions, est en soi un affront aux principes des droits de l'homme et de l'indépendance de la justice", a affirmé Reed Brody, un représentant de l'organisation Human Rights Watch, qui assiste en tant qu'observateur au procès.
Baltasar Garzon, poursuivi à la demande de deux associations d'extrême droite, est accusé d'avoir enfreint la loi d'amnistie votée en octobre 1977, deux ans après la mort de Francisco Franco, qui était censée imposer un pacte du silence sur les années noires de la Guerre civile (1936-39) et de la dictature (1939-75).
Le magistrat a d'ailleurs profité de sa déposition pour souligner qu'il n'existait "aucune donnée sur la guerre civile", et que son instruction avait finalement reposé sur le travail d'associations et sur des témoignages pour chiffrer le nombre des disparus à plus de 114.000.
Le dossier ouvert par Baltasar Garzon, mondialement connu pour avoir fait arrêter l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet en 1998 à Londres, lui a valu l'inimitié des milieux conservateurs qui l'accusaient de raviver de vieilles blessures.
Mais les familles de disparus ne cessent de dénoncer l'absence de volonté de l'Espagne de faire face à son passé, en dépit d'une loi votée en 2007 afin de réhabiliter les victimes.
Un dernier scandale en date a fait surface l'an dernier lorsque des familles ont commencé à témoigner sur le sort de bébés volés pendant la dictature, une pratique qui a donné lieu à un véritable trafic jusque dans les années 1980.
A 56 ans, poursuivi pour abus de pouvoir, Baltasar Garzon risque 20 ans d'interdiction d'exercer, une peine qui mettrait fin à sa carrière.
Son procès doit se poursuivre mercredi avec les premières auditions des 22 témoins représentant les familles de victimes.