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Le chanteur sénégalais mondialement connu Youssou Ndour se lance officiellement dans la bataille présidentielle de son pays. Dans sa ligne de mire : le président sortant, Abdoulaye Wade.

 "Je suis candidat". Le chanteur mondialement connu Youssou Ndour se lance officiellement dans la bataille présidentielle sénégalaise, dont le premier tour est prévu le 26 février. Dans une déclaration diffusée lundi 2 janvier par les médias de son groupe de presse, le roi du mbalax a justifié sa candidature en arguant d’un "devoir patriotique suprême". La mise entre parenthèse de sa carrière artistique, suivie de l’inauguration, fin novembre 2011, du siège de son mouvement Fékké Maci Bolé ("Je suis là, donc, j'en fais partie" en wolof), fondé en 2010, avaient levé les derniers doutes quant aux ambitions politiques de la star âgée de 52 ans.

Sa démarche intervient dans un climat politique très tendu. Investi par le Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir), fin décembre, le président sortant, Abdoulaye Wade, irrite fortement l'opposition. Cette dernière lui conteste le droit de briguer un troisième mandat successif, car elle estime que le chef de l'État, âgé de 85 ans, a déjà effectué les deux mandats consécutifs autorisés par la Constitution révisée de 2001. Les partisans de la présidence font valoir que le premier mandat a été entamé en 2000, avant la révision de la Loi fondamentale.

L'alternative à "l'Alternance"

Un contexte qui a peut-être convaincu un peu plus Youssou Ndour à venir s’ajouter à la longue liste de plus de 20 candidatures potentielles à la présidentielle. Dans sa ligne de mire : Abdoulaye Wade, au pouvoir depuis 2000. "Je suis l'alternative à 'l'Alternance'", a déclaré lundi le chanteur, "l'Alternance" désignant le régime actuel.

Un nouveau défi à l’égard du pouvoir, de la part de celui qui a fait de son groupe Futurs Médias, comprenant notamment la radio RFM, le quotidien L'Observateur et la chaîne de télévision TFM, un instrument d’opposition contre le président sortant, mais aussi une rampe de lancement pour entrer dans l’arène politique sénégalaise. "Fini les duels à fleurets mouchetés […] Désormais, c’est l’attaque frontale", entre les deux personnages, commentait début décembre Sud Quotidien.

Reste à savoir si un chanteur populaire, mais novice en politique, sera capable de défier un vieux lion aussi expérimenté que Wade. "Le pouvoir ferait bien de prendre très au sérieux cette nouvelle candidature, car les électeurs pourraient être tentés de lui donner sa chance, au moins pour accéder au deuxième tour", souligne Lanciné Camara, président de l'Union internationale des journalistes africains et directeur de publication du magazine 'Le Devoir africain'. Contacté par FRANCE 24, ce dernier estime que Youssou Ndour bénéficie du soutien de la jeunesse qui se reconnaît en lui et qui a soif de changement. "Son programme axé sur le social et la bonne gouvernance est crédible et sa notoriété de chanteur international et d’entrepreneur à succès pourrait peser très lourd le jour du scrutin", poursuit-il.

Une popularité incontestable sur laquelle tente justement de s’appuyer l’artiste. "Depuis très longtemps", de nombreux Sénégalais "ont, par divers moyens, appelé ma candidature à la présidentielle de février prochain", a-t-il déclaré lundi soir.

"Sans la musique, il n’existe pas"

Mais pour certains, cette légitimité, acquise en dehors du monde de la politique, est insuffisante pour solliciter les suffrages des Sénégalais. "C'est absurde, les Sénégalais n'éliront jamais un chanteur comme président, estime un analyste sous couvert d'anonymat interrogé par l’AFP. Quel que soit le score qu'il aura, il sera extrêmement loin des ténors de la politique."

Les caciques du pouvoir n’ont pas attendu l’officialisation de cette candidature pour attaquer la crédibilité du chanteur engagé, notamment contre le paludisme et la faim. "Il ne faudrait pas que Youssou Ndour pense que quand on a réussi quelque chose, on doit pouvoir tout réussir. Sans la musique, il n’existe pas, je pense que ces troubadours n’ont qu’à rester à leur place", assénait récemment le colonel Malick Cissé, conseiller du président Wade.

Signe d’inquiétude ou authentique mépris de la part du pouvoir à l’égard des chances de Ndour ? Réponse fin janvier, lorsque le Conseil constitutionnel rendra son avis sur la validité des candidatures qu’il aura reçues.