
Alors que les autorités tentent de mater la rébellion de Wukan, un village devenu le symbole de la lutte des paysans chinois révoltés par les saisies de terres abusives, les habitants continuent de manifester contre les expropriations.
AFP - Les paysans du village chinois de Wukan affirment subir des expropriations depuis des décennies. Alors quand un nouveau projet est venu en septembre encore davantage amputer leurs terres, ils ont laissé exploser leur colère.
Ce jour-là, excédés, les villageois se sont rendus à un poste de police voisin et des affrontements violents ont éclaté.
Sur des images vidéo tournées à l'époque et que l'AFP a pu visionner, on voit des policiers frappant, y compris à coups de pieds, les habitants. Ces derniers finissent par répliquer et parviennent à repousser et même chasser les forces de l'ordre.
Depuis ce 21 septembre le vent de la révolte souffle à Wukan, d'où les cadres communistes locaux ont dû fuir.
Ce samedi, de nouvelles marches protestataires s'y déroulent, malgré les menaces des forces de sécurité qui maintiennent ici un blocus depuis plus d'une semaine. Et les langues se délient pour raconter les racines de la colère.
"Nous avons soulevé la question de nos terres pendant des années, nous avons transmis nos doléances aux gouvernements de Lufeng et de (la capitale provinciale) Canton à de nombreuses reprises. Ils n'ont fait que nous ignorer", souligne un villageois nommé Zhang.
L'homme de 44 ans relate à l'AFP que les parcelles agricoles de sa famille ont été saisies en 1995.
"Quand ils ont vendu ma terre, je n'ai reçu aucune compensation, ils ne m'ont même pas dit qu'ils l'avaient vendu. Quand j'ai demandé pourquoi, ils m'ont affirmé que mon acte de propriété n'était pas valide", raconte-t-il.
Il brandit pourtant un acte de propriété que lui avait donné, en 1953, son grand-père.
Les expropriations de terres sont devenues un problème de plus en plus épineux en Chine où des paysans accusent les cadres locaux corrompus de s'allier à des promoteurs véreux pour s'enrichir.
"Le Premier ministre Wen Jiabao est la seule personne qui puisse trouver une solution au problème, tout le monde espère qu'il va venir résoudre la crise", déclare à l'AFP une agricultrice en révolte nommée Lu.
Comme de nombreux habitants de Wukan, elle est au chômage depuis que les autorités ont pris ses terres.
D'autres résidents demandent comme elle au pouvoir central d'intervenir contre les cadres locaux qu'ils accusent aussi d'avoir provoqué la mort de Xue Jinbo, un de leurs leaders respecté.
"Le gouvernement local est mauvais, ce sont des menteurs et des voleurs. Du temps du président Mao (Zedong), nous étions tous pauvres mais au moins nous pouvions compter sur nos terres. Maintenant, nous n'avons plus de terres", déplore Mme Lu.
Les autorités ont promis de sévir contre les meneurs de la rébellion de ce petit village côtier da la province du Guangdong devenu symbole. En dépit de la censure, le soulèvement de Wukan reste suivi de près sur les sites de microblogs.
Les paysans de Wukan dénoncent notamment les agissements du secrétaire local du Parti, un promoteur immobilier septuagénaire nommé Xue Chang. Ils l'accusent d'avoir fait régner la terreur tout en développant ses affaires, en collusion avec les autres responsables communistes.
Selon les habitants, plus de la moitié des superficies agricoles ont été saisies pour des projets de M. Xue, notamment l'un qui a consisté à inonder 46 hectares de rizières avec de l'eau de mer dans une tentative finalement vouée à l'échec de monter un élevage de crustacés.
"Xue Chang est un dictateur qui a régné avec une poigne de fer. Il a de bonnes connexions avec les gens biens placés", assure un villageois surnommé Chen.
"Il a instillé la peur chez tout le monde. Si vous vous montriez mécontent face à lui, il envoyait des voyous pour vous passer à tabac. C'est ainsi qu'il a pu régner pendant 42 ans".
Interrogés samedi par l'AFP, des fonctionnaires du gouvernement local ont refusé de communiquer au sujet de M. Xue. D'autres responsables ont toutefois auparavant admis que "quelques" responsables faisaient l'objet d'une enquête.