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Pour la presse allemande, la germanophobie n'a pas de couleur politique

Alors que la polémique enfle au sujet d’une supposée germanophobie rampante au sein de la gauche française, la presse allemande commence à s'emparer du sujet. Si elle estime qu’un tel sentiment existe bel et bien, il ne se limite pas au PS.

François Hollande aurait dû être accueilli lundi sous les huées des socialistes allemands. De Berlin à Munich, les médias auraient dû multiplier les éditoriaux cinglants contre le Parti socialiste français. Mais il n’en est rien. Pourtant le PS, à entendre certains ténors de la majorité hexagonale, aurait sombré dans une grave dérive germanophobe.

C'est ainsi que le Premier ministre François Fillon en personne a appelé, dimanche, François Hollande à de la “fermeté” contre “les relents germanophobes” de ces derniers jours. Le chef du gouvernement visait, sans le dire, les propos d'Arnaud Montebourg qui avait évoqué mercredi un retour du “nationalisme allemand au travers de la politique à la Bismarck” d'Angela Merkel.

En Allemagne, les propos d’Arnaud Montebourg et la polémique qui enfle en France ont certes été traités par les agences comme la Deutsche Presse-Agentur (DPA), mais n’ont rencontré que très peu d’écho auprès des grands titres nationaux. Seul - ou presque - le magazine Focus s’est-il interrogé jeudi sur la “haine hystérique de l’Allemagne” après les propos de l’ex-candidat à la primaire socialiste. Mais cet hebdomadaire populaire conclut qu’à travers ces déclarations, Arnaud Montebourg vise davantage Nicolas Sarkozy que la chancelière. “Cette agressivité verbale est coutumière en période de campagne électorale, comme en France”, peut-on lire dans Focus. Les autres journaux se sont depuis bornés à reprendre brièvement les déclarations de François Fillon.

Sans couleur politique

Pour autant, les Allemands sont conscients de la montée d’un sentiment anti-allemand en Europe, plus particulièrement en France. Seulement, cette tendance de daterait pas des déclarations d'Arnaud Montebourg. Les principaux articles qui analysent cette évolution remontent à la dernière quinzaine de novembre. “La peur française d’une Europe allemande”, titrait ainsi le 28 novembre Die Welt. Le quotidien de gauche Sueddeutsche Zeitung évoquait le 27 novembre “la peur du fantôme allemand” et l’influent blog “Flatwelt” - qui dépend du quotidien Die Welt - estimait le même jour que “les Allemands sont en train de devenir les nouveaux punching-balls européens”.

Autant d’articles où le “germanosceptiscisme” ne revêt aucune couleur politique. La Sueddeutsche Zeitung évoque, sur un même plan, les déclarations de Jacques Attali sur la “nouvelle menace que l’Allemagne fait peser sur l’Europe” et celles d’un “éminent collaborateur de l’Élysée” qui estime : “L’Allemagne domine tout.”

Cette résurgence d’un sentiment de suspicion à l’égard de l’Allemagne, Berlin se le serait infligé à lui-même, estime Clemens Wergin, auteur du blog Flatwelt. “L’Allemagne est en train de devenir pour l’Europe ce que les États-Unis sont au monde”, écrit-il. Selon l'éditorialiste, Berlin est l’autorité vers laquelle tous les pays européens se tournent pour trouver une sortie à la crise. Mais les membres de l'Union européenne, France en tête, n’apprécieraient pas particulièrement ce nouvel état de fait.