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Dans l'ancienne médina de Casablanca, les électeurs votent "par devoir"

, envoyé spécial au Maroc – Près de 13 millions d'électeurs marocains étaient appelés à désigner leurs députés lors des législatives anticipées organisées ce vendredi dans le royaume. Reportage dans l'ancienne médina de Casablanca.

Près de 13 millions d'électeurs marocains étaient invités à désigner leurs députés lors des élections législatives anticipées organisées vendredi 25 novembre au Maroc. Un scrutin qui s'est déroulé de 8 heures à 19 heures (heure de Rabat) et dont l'un des enjeux était le taux de participation. Dans la matinée, tandis que la grande majorité des habitants de Casablanca se rendaient au travail, certains se sont présentés dans les bureaux de vote, comme celui situé à l'école Ibn al-Roumi dans le quartier populaire de l'ancienne médina de la capitale économique du royaume. Réactions.

"Le vote est synonyme de changement"

Ancien conducteur de grue dans le port de Casablanca, Sellami Djalili, 80 ans, est retraité. Il habite depuis l'âge de 16 ans dans la vieille médina, dont il connaît les moindres recoins. "Je suis venu voter pour perpétuer la tradition car c'est le devoir de tout citoyen", déclare-t-il moins d'une minute après avoir glissé son bulletin dans l'urne. Il confie garder l'espoir que les problèmes sociaux des Marocains soient réglés par le scrutin, et que sa voix contribue à provoquer un changement. "Ceux qui sont actuellement au pouvoir n'ont rien fait pour réduire la pauvreté, poursuit-il en grattant sa barbe blanche. Je n'ai rien vu de positif, il n'a été question jusqu'ici que de mensonges." Pressé de rentrer chez lui pour veiller sur ses petits-enfants, il prend congé en s'excusant plus d'une fois.

Le cheveux très court, manteau flambant neuf, Othman Isser, 22 ans, est lui aussi pressé. Et pour cause : il est venu voter avant d'aller suivre ses cours de comptabilité et de gestion à la faculté de Casablanca. "J'ai voté pour la première fois de ma vie lors du référundum sur la Constitution en juillet dernier, précise-t-il en serrant sa sacoche. C'est toujours une fierté, car le vote est synonyme de changement et je veux être utile à mon pays en utilisant ce droit." Ce vendredi 25 novembre, il confie avoir accordé sa voix aux islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD). "Il faut leur donner la chance de gouverner, au moins pour voir ce qu'ils vont faire pour nous, les jeunes", explique-t-il en regardant sa montre. Othman dit avoir confiance dans le programme "pertinent  et juste" proposé par le PJD, et attend que des efforts soient fait en matière d'emploi et de protection sociale. L'heure tourne, il est temps pour lui de se rendre à la fac.

"Plus de transparence et la fin de la corruption"

De son côté, Latifa, 45 ans, s'est présentée à l'école Ibn al-Roumi sans savoir s'il s'agissait bien de son bureau de vote. Elle se rassure quelques minutes plus tard, une fois les vérifications faites avec les responsables. Ces derniers lui confirment qu'elle peut voter. Couturière de profession, mère de famille, elle habite l'ancienne médina depuis 30 ans. "Je veux que les choses changent, je suis donc venue voter par devoir national et pour faire entendre ma voix", explique-t-elle timidement. Et d'ajouter en baissant la voix : "Je veux surtout plus de transparence et la fin de la corruption." Paradoxalement, Latifa reconnaît ne plus faire confiance à aucun parti. "Je vais voter, mais je ne sais toujours pas pour qui, ils travaillent pour leurs propres intérêts et ne tiennent pas compte de nos difficultés quotidiennes", conclut-elle.

Quelques instants plus tard, Karim Youssef, chômeur de 26 ans, se présente dans le bureau de vote en tenant la main de Mohammed, son très jeune et souriant neveu. Ils sont tous les deux vêtus d'une longue tunique très blanche et d'une casquette vissée sur la tête. "Je suis venu faire mon devoir, en tant que jeune et en tant qu'électeur", déclare-t-il avec l'approbation complice du petit Mohammed. Sans emploi depuis plusieurs mois, Karim dit avoir choisi de voter pour un parti qui défend ses intérêts. "Je vais donner ma voix à l'Union socialiste des forces populaires (USFP), car ce parti propose des solutions pour régler les problèmes de chômage et de formation des jeunes", dit-il avant d'être coupé par son neveu. "Et les problèmes des habitations insalubres", tient à ajouter l'écolier. Ils s'éclipsent le temps de voter, puis ressortent du bureau hilares. "C'est fait !", clame Karim en exposant fièrement son pouce tâché d'une encre bleue, qui montre qu'il a effectué son devoir de citoyen.