Alors que les manifestations se poursuivent place Tahrir malgré la démission du gouvernement intérimaire lundi, l'armée a engagé des discussions avec les forces politiques, notamment les Frères musulmans, très influents dans le pays.
AFP - L'Egypte se préparait à une nouvelle manifestation d'ampleur au Caire pour réclamer le départ du pouvoir militaire, qui a entamé une réunion de dialogue après des affrontements meurtriers entre police et manifestants et la présentation par le gouvernement de sa démission.
itPlusieurs milliers de personnes étaient déjà rassemblées en début d'après-midi sur l'emblématique place Tahrir pour revendiquer la remise au plus vite du pouvoir à une autorité civile, accusant le pouvoir militaire de rééditer la politique de répression du régime de Hosni Moubarak.
Parallèlement, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) entamait une réunion de dialogue avec plusieurs forces politiques, notamment les influents Frères musulmans.
Lundi soir, le CSFA avait reconnu pour la première fois depuis le début des violences qui ont fait 28 morts en trois jours, que le pays était en "crise", après la présentation de la démission par le gouvernement d'Essam Charaf nommé en mars par l'armée pour gérer les affaires courantes.
Le conseil militaire n'a pas encore dit s'il acceptait cette démission ou non, mais l'Egypte est déjà entrée dans sa plus grave crise depuis la chute de l'ex-président, à une semaine des premières élections législatives de l'ère post-Moubarak, chassé par un soulèvement populaire le 11 février.
Ce contexte de crise fait craindre que ces élections ne soient émaillées de violences.
Les Frères musulmans, qui représentent la force politique la mieux organisée du pays, ont boycotté la manifestation de Tahrir et appelé au calme, soucieux de voir le scrutin, pour lequel ils s'estiment en position de forces, débuter comme prévu le 28 novembre .
"Plus le nombre (de manifestants) grandit, plus il y aura des tensions", a affirmé à l'AFP Saad al-Katatny, secrétaire général du Parti de la liberté et la justice issu de la confrérie.
Selon le ministère de la Santé, 28 personnes --26 au Caire, une à Alexandrie (nord) et une à Ismaïliya (sur le canal de Suez) -- ont été tuées depuis samedi, notamment sur la place Tahrir au Caire, épicentre du soulèvement du début de l'année.
"Personne ne peut nier que l'Egypte se trouve aujourd'hui face à un grand danger et devant un tournant", écrit mardi le quotidien gouvernemental Al-Goumhouriya.
"Qui éteindra le feu?", s'inquiète en une Al Wafd (libéral), qui relève: "les troubles sont dus au fait qu'il n'y a pas eu de gouvernement de révolutionnaires (...) la foule est donc descendue dans la rue pour faire valoir ses revendications".
Signe des troubles, la Bourse du Caire a annoncé une suspension temporaire des échanges mardi après une chute de 4,48% de son indice de référence EGX-30.
Les militants semblent déterminés à manifester jusqu'au bout pour pousser le CSFA à remettre rapidement le pouvoir à une autorité civile.
L'armée s'était engagée à rendre le pouvoir aux civils après une élection présidentielle qui doit suivre les législatives mais dont la date n'est toujours pas connue.
Lundi soir, sur la place Tahrir, les dizaines de milliers de manifestants scandaient toujours "Le peuple veut la chute du maréchal" Hussein Tantaoui, à la tête du conseil militaire et premier dirigeant de facto de l'Egypte.
it"C'est bien. Maintenant c'est le CSFA qui doit démissionner et répondre de ses actes devant nous", a réagi Tarek Sabri, un enseignant de 35 ans.
"Nous avons besoin d'un gouvernement qui a de véritables pouvoirs. Aucun gouvernement sous l'égide du CSFA n'a de valeur", a renchéri Mohammed al-Hita, un militant de 24 ans.
Le conseil militaire est accusé de vouloir se maintenir au pouvoir, de ne pas tenir ses promesses de réformes et de poursuivre la politique de répression de l'ère Moubarak.
Selon Amnesty international, le CSFA "a étouffé la révolution" et certaines violations des droits de l'Homme commises depuis qu'il est au pouvoir sont pires que sous le régime Moubarak.
La manifestation de mardi doit débuter officiellement à 16H00 (14H00 GMT) sur Tahrir pour réclamer la formation d'un "gouvernement de salut national".
Dans la nuit de lundi à mardi, de violents affrontements se sont poursuivis dans des rues adjacentes à Tahrir menant au ministère de l'Intérieur, cible privilégiée des manifestants et sous forte garde des forces anti-émeutes.
Le ministère de l'Intérieur a accusé dans un communiqué les manifestants d'avoir lancé des cocktails molotov et tiré avec des fusils de chasse, blessant 112 membres des forces de l'ordre. Le communiqué fait état de "116 émeutiers arrêtés au Caire, 46 à Alexandrie et 29 à Suez".