La collection Yves Saint Laurent - Pierre Bergé, estimée à quelque 300 millions d'euros, est proposée à la vente à partir de ce lundi, à Paris. Parmi les œuvres : Picasso, Brancusi, Matisse, Mondrian et des meubles Art Déco...
AFP - Yves Saint Laurent et Pierre Bergé se sont rencontrés en 1958. Jusqu'à la mort du couturier en juin 2008, ces deux esthètes ont écrit une histoire d'un demi-siècle sous le signe d'une passion partagée pour l'art et la culture.
En 1958, Yves Saint Laurent, un peu plus de 21 ans, triomphe chez Dior. Pierre Bergé, 28 ans, vivait avec le peintre Bernard Buffet. C'est le coup de foudre immédiat. En 1961, ils ouvriront leur maison de couture, à Saint Laurent la création, à Bergé la direction des affaires.
Ces deux passionnés de musique et d'opéra vont surtout bâtir une collection d'art privée hors du commun à partir du début des années 1960. Leur premier achat sera un Oiseau senoufo, se souvient Pierre Bergé dans un livre d'entretiens avec Laure Adler à paraître chez Actes Sud.
Pour le Brancusi, "il a fallu attendre 1971 ou 1972", ajoute-t-il. "Quand nous avons acheté l'Oiseau senoufo, nous avions l'argent pour l'acheter mais sûrement pas pour acheter un Brancusi", se rappelle-t-il.
Ensemble, ils aimeront les arts premiers, l'Art Déco -- qu'ils aimeront avant que ce soit à la mode --, les bronzes de la Renaissance ou Matisse et Picasso avec pour seul critère "la qualité".
Ces deux visionnaires, guidés notamment par des marchands d'art comme Alain Tarica ou les frères Kugel et dans la droite ligne de leurs "inspirateurs" les mécènes français de Noailles ou Jacques Doucet, également couturier, ont transformé leurs lieux d'habitation multiples en "conversation entre les objets, ceux qui les possèdent, ceux qui les admirent et le décor qui les reçoit", dit Pierre Bergé.
La rue de Babylone dès 1972 pour le couple, puis la rue Bonaparte à partir de la fin des années 80 pour Pierre Bergé, sont les principaux témoignages du goût de ces amateurs éclairés qui ont fait des rapprochements d'objets et de tableaux "comme une oeuvre d'art", selon la formule de Nicolas Kugel.
Une passion qui ressemblait à une addiction pour Saint Laurent au point qu'un jour Pierre Bergé a reproché au couturier d'avoir trop acheté: "Yves, on ne va pas chez Kugel comme on va chez Prisunic!".
D'autres demeures abritent leurs coups de coeur: Deauville, Marrakech et Tanger, où Matisse, qui a fortement influencé le couturier, venait peindre.
Aux obsèques de Saint Laurent, Bergé s'adressera à lui pour regretter qu'ils ne puissent plus partager "l'émotion devant un tableau ou un objet d'art".