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Ankara réagit vivement aux propos de Nicolas Sarkozy sur le génocide arménien

Le ministre turc aux Affaires européennes a qualifié les propos de Nicolas Sarkozy sur le génocide arménien d'"opportunisme politique". Et exhorté le chef de l'État français à cesser de jouer les "historiens".

AFP - Le président français Nicolas Sarkozy ferait mieux de s'occuper des problèmes des Français plutôt que de jouer les historiens sur la question du génocide arménien, a estimé vendredi le ministre turc aux Affaires européennes Egemen Bagis, réagissant à des déclarations de M. Sarkozy.

"Il serait mieux, pour la sérénité en France, en Europe et dans le monde que M. Sarkozy abandonne le rôle de l'historien et se creuse un peu la tête pour sortir son pays du gouffre économique dans lequel il se trouve et produise des projets pour l'avenir de l'Union européenne", a déclaré M. Bagis, cité par l'agence de presse Anatolie, lors d'une visite à Sarajevo.

"Notre mission, en tant qu'hommes politiques, n'est pas de définir le passé ou les événements du passé. C'est de définir l'avenir", a insisté le ministre, avant d'accuser le président français d'"exploitation à l'approche de l'élection" présidentielle française, de la thématique arménienne.

"Sarkozy a probablement adopté ce type d'approche après avoir été effrayé par les derniers sondages politiques en France", a-t-il commenté.

Le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a lui aussi dénoncé "l'opportunisme politique" de "propos qui s'inscrivent totalement dans le contexte électoral en France".

"Ceux qui disent à la Turquie de se réconcilier avec son passé doivent d'abord se regarder dans un miroir", a-t-il asséné, faisant référence au passé colonial de la France.

En visite à Erevan jeudi et vendredi, M. Sarkozy a appelé Ankara à une "reconnaissance du génocide" dans un délai "assez bref", avant la fin de son mandat en mai 2012, en évoquant les massacres ottomans perpétrés en 1915 et 1916 en Turquie, qui ont fait plusieurs centaines de milliers de morts.

La Turquie reconnaît que 300.000 à 500.000 personnes ont péri lors de cette période, mais, selon elle, elles n'ont pas été victimes d'une campagne d'extermination mais du chaos des dernières années de l'Empire ottoman.

Pour les Arméniens, il s'agit d'un "génocide" qui a fait plus d'un million et demi de morts.

Présent à Ankara vendredi pour la signature d'un accord de coopération sécuritaire, le ministre français de l'Intérieur Claude Guéant a répondu aux questions de journalistes en les appelant à ne pas surinterpréter les propos de son président.

"Il convient de s'en tenir strictement aux propos du président de la République sans les interpréter", a dit M. Guéant, affirmant que M. Sarkozy "n'a pas évoqué de délai" pour qu'Ankara reconnaisse le "génocide" arménien.

Interrogé sur le point de savoir comment réagirait la France si la Turquie décidait de reconnaître "le génocide des Algériens", M. Guéant à répondu: "Le président de la République française est allé en Algérie, il a eu des propos extrêmement forts sur ce moment douloureux de notre passé entre l'Algérie et la France. Il a tourné la page".

Avant son élection en 2007, le candidat Sarkozy avait promis aux représentants de la forte communauté arménienne de France, estimée à un demi-million de personnes, de soutenir le vote d'un texte de loi spécifique réprimant la négation du génocide de 1915.

Mais ce texte a été enterré en mai faute d'une majorité au Sénat (chambre haute) et surtout du soutien du gouvernement de Nicolas Sarkozy, suscitant l'amertume des Arméniens de France et de leurs partisans. L'élection présidentielle est prévue en France en avril et mai.