À peine créé, le CNS doit déjà faire face à de nombreux défis, à commencer par régler la question de sa légitimité pour être reconnu comme une alternative crédible au pouvoir en place.
Vers la fin de la cacophonie ? Après plusieurs mois de discussions et de tentatives infructueuses, les différents courants de l'opposition syrienne ont fini par s’entendre pour se rassembler au sein d'un seul et même Conseil national. L'annonce a été faite dimanche à Istanbul, où l’accord a été finalisé.
"Le Conseil national syrien (CNS) est le cadre qui réunit les forces de l'opposition et de la révolution pacifique, il est le représentant de la révolution syrienne à l'intérieur et à l'extérieur" du pays, résumait dimanche l'opposant et universitaire Burhan Ghalioune (photo principale) en lisant le manifeste fondateur de l’instance.
En effet, le CNS regroupe des courants très éloignés les uns des autres tels que les Comités locaux de coordination (LCC) qui orchestrent les manifestations sur le terrain, les libéraux, la gauche et l’extrême gauche, la confrérie des Frères musulmans interdite depuis les années 1980 en Syrie, ainsi que des partis kurdes et assyriens. "Une grande première salvatrice pour l’opposition" commente Gauthier Rybinski, spécialiste des questions internationales à FRANCE 24.
Légitimité et alternative
Mais à peine créé, le CNS doit déjà faire face à de nombreux défis pour parvenir à réaliser son objectif affiché : "le renversement du régime et de ses symboles". Afin de coordonner ses efforts aux actions engagées sur place en Syrie où la répression se poursuit, l’instance doit commencer par régler la question de sa légitimité en tant que représentant de la population syrienne, pour être reconnue comme une alternative crédible au pouvoir en place.
Car divisée et empêtrée dans ses contradictions depuis le début du soulèvement à la mi-mars, l’opposition syrienne était jusqu’ici raillée par le régime et très critiquée par les manifestants sur le terrain. Pis, elle était observée avec scepticisme par les capitales occidentales. "Le discours confus et la division manifeste qui régnait dans les rangs de l’opposition ont longtemps entretenu l’idée dans les chancelleries, qu’aucune alternative sérieuse au pouvoir syrien n’était possible", confie à FRANCE 24, un ex-diplomate français basé au Moyen-Orient.
Préférant rester anonyme, ce dernier affirme que la crédibilité de la nouvelle instance sera jugée au travers de ses premiers pas qui seront minutieusement épluchés par les Occidentaux. "Toute idée de reconnaissance internationale, dont a pu bénéficier le CNT libyen, reste pour l’instant très prématurée", analyse Gauthier Rybinski.
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Samer ELKEILAMY, membre du Conseil national syrien
De son côté, l’opposante Bassma Kodmani, nommée porte-parole du CNS, affirme que l’ère de la confusion est bel et bien révolue. "Désormais, il n’y aura plus qu’un seul interlocuteur qui s’exprimera au nom de l’opposition au régime syrien", a-t-elle expliqué lundi sur l’antenne de FRANCE 24. Selon elle, le CNS "tire une forte légitimité de par sa composition" qui respecte toutes les tendances politiques et la diversité du peuple syrien, ce qui lui permettra de mener une série de consultations pour accélérer "la délégitimation" du pouvoir en place.
"Nous avons travaillé pour rassembler le plus grand nombre d’opposants au régime de Bachar al-Assad. Nous avons réuni au sein de ce Conseil 80 % de l’opposition, et la porte reste ouverte pour ceux qui veulent nous rejoindre", renchérit Samer Elkeilamy, membre de la nouvelle instance, interrogé par FRANCE 24 depuis Istanbul.
Forte attente
En attendant l’élection prochaine d’un président du CNS qui devrait intervenir rapidement selon un opposant interrogé par l’AFP, "ce nouveau leadership politique pose au moins les bases d’une alternative au pouvoir en place, susceptible de rassurer et galvaniser la majorité silencieuse en Syrie", note Assia Shihab, correspondante de FRANCE 24 en Turquie.
Et l’attente est immense. Dimanche soir, "des manifestations d'appui" au CNS ont eu lieu à Damas en dépit du déploiement massif des forces de sécurité, ainsi qu'à Hama, Homs, Idleb, Deraa et Deir Ezzor, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). "Désormais nous pouvons affirmer que la confiance est établie entre les différents courants, ainsi que la conviction qu'il nous faut travailler ensemble", souligne la porte-parole de l’instance.
Et le CNS veut agir vite pour aider les manifestants sur le terrain à rester pacifique et prendre des mesures pour organiser la protection des civils, une "priorité absolue" conclut Bassma Kodmani.