La Cour constitutionnelle a rejeté mercredi plusieurs actions en justice visant à condamner la participation de l'Allemagne aux plans de sauvetage de la zone euro. Les juges exigent néanmoins que le Parlement soit plus impliqué dans les décisions.
Les dirigeants de la zone euro peuvent souffler. La Cour constitutionnelle allemande vient de juger la participation de Berlin aux plans de sauvetage des pays européens en difficulté conforme à la loi fondamentale du pays.
"Dans le cas contraire, l’Allemagne [principal bailleur de fonds européen de ces plans, NDLR] n’aurait plus pu prêter d’argent à des pays comme la Grèce, l’Irlande et autres. Ce qui aurait pu entraîner la faillite de ces États et probablement la fin de la zone euro", explique Andreas Haratsch, juriste et professeur de droit constitutionnel allemand à l’Université de sciences juridiques de Hagen (dans le Land de Rhénanie du Nord).
Cette décision était donc très attendue depuis qu’une plainte avait été déposée par un collectif d'économistes devant la Cour constitutionnelle allemande fin mai 2010, contre l’aide financière accordée à la Grèce. Par la suite, d’autres eurosceptiques s’étaient joints à cette démarche en contestant la légalité du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Établi en juin 2010 par les 27 États membres de l'Union européenne, il permet d’accorder des prêts aux États de la zone euro en difficulté.
"Les arguments avancés étaient solides et soutenaient que le Parlement avait été dépouillé de certaines de ces prérogatives de contrôle du budget", explique Andreas Haratsch.
En réalité, la loi allemande de mai 2010 qui encadre les plans d’aide – accordés par le gouvernement - est floue sur le rôle exact du Parlement dans ce processus. Elle stipule que celui-ci doit s’entendre avec le gouvernement sur les prêts aux pays en difficulté. Pour les opposants au sauvetage de la Grèce, cette close signifie qu’un accord explicite est nécessaire pour chaque euro dépensé. Dans la situation actuelle, "le parlement n’a donné qu’un accord global en mai 2010 en forme de blanc-seing au gouvernement pour les dépenses liées à des plans d'aides futures", rappelle Andreas Haratsch.
Accord préalable
L’argument n’a pourtant pas suffi à convaincre la Cour constitutionnelle. "Ce n’est pas une surprise car la Cour est dans la droite ligne de sa jurisprudence", affirme Andreas Haratsch. Les juges suprêmes allemands ont néanmoins été sensibles à la plainte déposée, puisque leur décision affirme qu’à l’avenir le Bundestag (chambre basse du Parlement allemand) devra donner son accord explicite "pour engager toute somme importante" au bénéfice d’un autre pays de la zone euro, selon le verdict.
"Cette nuance est importante car elle renforce le côté démocratique du processus d’aide financière aux pays européens en difficulté", juge Andreas Haratsch. Peu de risques toutefois que cette obligation d’obtenir le feu vert du Bundestag ralentisse le versement des aides allemandes. "Il y aurait pu y avoir un problème s’il avait fallu voter une loi à chaque fois, mais en l’espèce la Cour constitutionnelle demande un accord préalable seulement de la commission du Budget du Bundestag, ce qui est beaucoup plus rapide à obtenir", souligne Andreas Haratsch.
La décision des sages allemands a, d’ailleurs, été accueillie avec soulagement par la chancelière allemande Angela Merkel. "La Cour constitutionnelle a absolument confirmé la politique suivie par l'Allemagne", s’est-elle félicitée lors d’un discours au Bundestag sur la situation économique de la zone euro.
Ce jugement pourrait toutefois se révéler être un poison politique pour la chef du gouvernement en cette période d'élections régionales en Allemagne, dont le prochain scrutin sous forme de test se déroulera à Berlin le 18 septembre. "En théorie, l’opposition peut en effet utiliser ces nouvelles prérogatives du Parlement pour faire pression sur le gouvernement", reconnaît Andreas Haratsch. Le juriste estime cependant qu’il existe actuellement un large consensus au Bundestag, même au sein de l’opposition, sur la nécessité d’aider la Grèce à sortir de la crise.
À Bruxelles, la Commission européenne s’est dite satisfaite d’une décision qui aura "un impact important sur la capacité de l'Union à agir pour surmonter la crise de la dette souveraine affectant certains États membres".