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Yahoo débarque sa patronne

Après un peu plus de deux ans à la tête du célèbre portail internet, Carol Bartz a été licenciée mardi par le conseil d’administration de Yahoo. En cause : la faible croissance du site notamment par rapport aux Google et Facebook.

Le licenciement c’est simple comme un coup de fil. Même lorsque l’on est PDG de Yahoo, l’une des plus importantes entreprises américaines de l’Internet et dans la liste des 100 femmes les plus influentes au monde d’après le magazine Forbes. "Je suis triste de vous annoncer que je viens d’être licenciée par téléphone", a ainsi annoncé Carol Bartz, mardi, aux employés du portail internet dans un email obtenu par plusieurs médias américains.

Dans un communiqué publié sur son site mardi, le groupe a confirmé une "réorganisation de [s]a direction". Tim Morse, jusqu’à présent directeur financier de Yahoo, est chargé d’assurer l’interim à la tête de la société tandis que le conseil d’administration se cherche un nouveau PDG "permanent". "Nous voulons remercier Carol Bartz pour son travail pendant une période critique de transition de Yahoo", assure Roy Bostock, président du conseil d’administration dans le communiqué.

Des remerciements mais surtout des reproches à peine voilés. "Nous allons tout faire pour retrouver le chemin de la croissance et revenir à la pointe de l’innovation", continue Roy Bostock. En clair : Carol Bartz n’a pas réussi, durant les deux ans à la tête de Yahoo, à satisfaire les attentes des actionnaires qui ont donc décidé de mettre fin à l’expérience Bartz un an avant le terme de son contrat. Sous sa direction, l’action Yahoo n’a, en effet, progressé que de 6 % en deux ans alors que le Nasdaq – l’indice américain des valeurs de la nouvelle économie – a gagné dans le même temps plus de 30 %.

L’os Microsoft

Pour cette femme de 62 ans, c’est la fin d’un règne mouvementé. À son arrivée en janvier 2009, elle prend la direction d’une entreprise en pleine tourmente. Jerry Yang, le fondateur de Yahoo, venait d’être poussé vers la sortie du fait de son obstination à ne pas vouloir vendre son bébé à Microsoft alors que les actionnaires y étaient favorables. Cette bataille pour le contrôle de Yahoo avait été qualifiée à l’époque, notamment par le New York Times, comme l'emblème du déclin de ce fleuron de l’Internet des années 90 face aux nouveaux maîtres du web tels que Google et Facebook.

La nomination de Carol Bartz avait alors immédiatement fait grincer quelques dents. La nouvelle PDG n’avait aucune expérience dans l’Internet. Avant Yahoo, elle avait seulement été présidente de la société américaine Autodesk, un éditeur mondial de logiciels dans les domaines de l'architecture et de la construction.

Un CV jugé léger, mais surtout des décisions souvent critiquées par la presse et les analystes financiers. Les principaux faits d’armes de Carol Bartz ont, en effet, été de licencier en deux ans 1 % des effectifs de Yahoo et de vendre ou fermer une partie des services mis en place par le groupe au fil des ans. La victime la plus symbolique de cette chasse aux coûts made in Carol Bartz a été Delicious, le célèbre site de "bookmarks" (favoris) communautaires vendu en avril dernier aux fondateurs de YouTube.

Cette restructuration a pu sauver les apparences financières en permettant à Yahoo de faire des économies, mais "elle ne donne pas l’impression d’une entreprise qui a une vision de croissance pour le futur", estime le célèbre site spécialisé dans l’actualité de la nouvelle économie Business Insider.

Carol Bartz, à l’instar de son prédécesseur Jerry Yang, est également tombée sur l’os Microsoft. Elle a conclu un accord, en juillet 2009, avec le géant de l’informatique aux termes duquel le site Yahoo utiliserait le moteur de recherche Bing de Microsoft qui lui paierait sur 10 ans plusieurs centaines de millions de dollars. Une décision qui n’a pas fait plaisir ni à ceux qui continuaient d’espérer que Microsoft rachète Yahoo ni aux historiques du portail Internet qui ont déploré que le groupe abandonne son cœur de métier : la recherche.

Une succession de décisions discutables qui ont lentement mais sûrement fragilisé la position de Carol Bartz à la tête de Yahoo. À partir de juin 2011, selon le très informé blog technologique Techcrunch, les actionnaires de la société s’étaient résolus à remplacer la PDG.

Le licenciement de Carol Bartz remet aussi en cause ce qui devait être sa dernière grande œuvre : le rachat du mastodonte américain de la vidéo à la demande Hulu. Ce site et les juteux partenariats avec les chaînes américaines de télévision seraient également dans la ligne de mire d’Amazon et même d’Apple.