logo

Les euro-obligations sont-elles le remède miracle à la crise ?

Les uns les présentent comme la solution miracle à la crise de la zone euro. Les autres, Allemagne en tête, n’en veulent pas. Les euro-obligations, absentes des négociations du sommet franco-allemand, peuvent-elles sauver l'union monétaire ?

Cachez ces euro-obligations que la chancelière allemande ne saurait voir. Comme Berlin l’avait demandé, l’Élysée a confirmé lundi que les euro-obligations ne seraient pas à l’ordre du jour des discussions sur la crise de la zone euro qui se tiennent cet après-midi à Paris entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy.

Pourtant, les euro-obligations jouissent d’un regain de popularité depuis ce week-end. Le ministre italien de l’Économie, Giulio Tremonti, n'a-t-il pas déclaré, au cours d’une conférence de presse,  que "si [les euro-obligations] avaient existé, nous n’aurions pas connu la crise d’aujourd’hui".

Du coup, l’Allemagne se retrouve une fois de plus soupçonnée de vouloir bloquer l’adoption d’une solution miracle susceptible de ramener la stabilité au sein de la zone euro.

Une potion magique ?

A première vue, les euro-obligations ressemblent à une potion magique que les habitants de la zone euro pourraient utiliser pour résister encore et toujours à la spéculation contre la dette de quelques uns d'entre eux. S'ils devaient voir le jour, ces titres seraient émis au niveau européen et devraient se substituer aux obligations que les États utilisent ordinairement pour emprunter sur les marchés.

Avec ce dispositif, les investisseurs ne devraient plus pouvoir faire vaciller les pays les plus fragiles de la zone euro. C'est l’Europe qui serait dans cette configuration chargée de prêter à chaque pays l’argent qu'elle aurait elle-même levé, en fonction de ses besoins. Avec un taux bien plus avantageux que celui infligé ces derniers mois à la Grèce, au Portugal ou encore à l’Italie et à l’Espagne. "Les euro-obligations seraient en effet une bonne chose pour la stabilité de la zone euro", confirme à France 24 Frédéric Bonnevay, président de la société de conseils financiers Anthera Partners.

Mais l’Allemagne, et dans son giron d’autres pays d’Europe centrale et d'Europe du Nord (comme l’Autriche ou les Pays-Bas), ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux cette potion magique a tout d'un vilain poison. "Les euro-obligations sont contraires à l’esprit du traité de Maastricht qui établit une distinction entre l'union monétaire et les aspects budgétaires qui doivent rester du ressort des États nationaux", explique Benjamin Carton, économiste spécialisé dans la zone euro au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii). "L’Allemagne ayant déjà eu beaucoup de mal à accepter le principe de l'euro et la perte de contrôle sur sa politique monétaire, Berlin va freiner des quatre fers pour éviter un nouveau transfert de souveraineté qui l'empêcherait d'émettre ses propres obligations", remarque Frédéric Bonnevay.

Un "mal nécessaire" ?

L'Allemagne estime également que la pression exercée par les marchés peut avoir du bon. "En théorie, ils sont censés obliger les États à contrôler leur déficit sous peine d’être sanctionnés par des taux d’intérêt plus élevés quand ils empruntent", analyse Benjamin Caron. Berlin, qui se présente comme le champion de la rigueur budgétaire, craint que d’autres pays ne se cachent derrière le bouclier des euro-obligations pour dépenser sans compter. "On peut [toutefois] difficilement dire que les marchés ont fait un bon boulot pour contrôler les dépenses des États ces derniers temps", tempère l’économiste.

Au-delà, les pays riches de la zone euro voient dans les euro-obligations une injustice caractérisée. "Ces titres européens bénéficieraient d’un taux d’intérêt supérieur à celui auquel emprunte actuellement Berlin. Autrement dit, l’Allemagne paierait plus qu’aujourd’hui avec ce nouveau système", note Benjamin Carton. Politiquement, c’est une pilule très difficile à faire avaler aux Allemands qui estiment déjà payer trop pour les Grecs et autres pays en difficultés.

De toute façon, les euro-obligations vont peut-être s’imposer comme "un mal nécessaire pour l’Allemagne", estime Frédéric Bonnevay. Les solutions ne sont, en effet, pas nombreuses pour montrer que l’Europe se montre plus unie dans l'adversité. En réalité, Il y en a deux. La première, proposée par la commission européenne, consisterait à établir un "semestre européen" pour améliorer la coordination des politiques nationales budgétaires. "Les pays discuteraient six mois au niveau européen des finances et six mois au niveau des Parlements nationaux", explique Benjamin Carton. L’autre option consisterait à fixer précisément les contours des nouveaux pouvoirs décidés en juillet dernier du Fonds européen de stabilité financière (FESF) et "probablement d’augmenter les moyens financiers dont ce dernier disposerait", conclut Frédéric Bonnevay. Mais dans ces deux hypothèses, rien ne dit que ce genre de mesures aurait le même impact sur les marchés que l’annonce d’une mise en place d'une gouvernance bâtie sur l'émission d'euro-obligations.