logo

"Un compromis sur la dette va sans aucun doute être trouvé d'ici le 2 août"

Républicains et démocrates n'ont plus que quelques jours pour s'entendre sur la dette américaine. Persuadé qu'un compromis sera trouvé avant le 2 août, l'économiste Jean Imbs confirme qu'en cas contraire, les conséquences seraient "catastrophiques".

Les États-Unis vont-ils, pour la première fois de leur histoire, se retrouver en défaut de paiement ? En début de semaine, républicains et démocrates ont de nouveau échoué à s'entendre sur le relèvement du plafond de la dette, fixé à 14 300 milliards de dollars et atteint en mai dernier. Faute de compromis cette semaine, Washington ne pourra plus emprunter, et donc assurer une partie de ses dépenses.

Bien que préoccupés par la situation économique américaine, les experts se disaient jusqu'à présent confiants sur la conclusion d'un accord d'ici au 2 août. Mais à l'approche de cette date-butoir, fixée par le Trésor américain, faut-il revoir cet optimisme à la baisse ? Le gouvernement américain risque-t-il, comme en 1995, un 'government shutdown' [cessation partielle des activités des autorités fédérales, ndlr] ? "Non, répond clairement l'économiste Jean Imbs, directeur de recherche au CNRS et professeur associé à l'École d'économie de Paris. L'hypothèse qu'un compromis ne soit pas trouvé d'ici là n'est pas plausible. Aucune des deux parties n'a intérêt à un défaut de paiement. C'est uniquement une question de posture politique."

Pourtant, au milieu des années 1990, le gouvernement américain de Bill Clinton avait lui subi une "fermeture". Il avait été "fermé" en raison d'un conflit entre le président démocrate et le Congrès, dominé par les républicains, sur le budget de l'éducation, de la santé et de l'environnement. Après que le président a opposé son veto au projet de budget du Congrès, seuls les services essentiels tels que la police, l'armée, la poste ou le contrôle aérien avaient été assurés par les autorités fédérales pendant quelques semaines. Les agents publics "non-essentiels" ont eux été mis en congés.

Un bras de fer politicien à un an de la présidentielle

Lundi, la Maison Blanche a elle aussi menacé d'un veto le projet républicain qui prévoit de relever le plafond de la dette en deux temps. Si le plan démocrate propose un relèvement du plafond permettant au gouvernement de fonctionner jusqu'en 2013, accompagné d'un programme de réduction des dépenses, les républicains insistent sur un plan en deux étapes : un premier relèvement du plafond de la dette de 1 000 milliards avant le 2 août, en contrepartie d'une réduction budgétaire de 1 200 milliards sur 10 ans, avant un autre relèvement du plafond début 2012. Rejeté lundi, ce projet défendu par John Boehner, le président républicain de la Chambre des représentants, doit être réétudier jeudi. 

"S'il y a quelques divergences sur le fond - les démocrates veulent augmenter les impôts, les républicains réclament avant tout une diminution des dépenses sociales -, il y a évidemment une dimension politicienne [à ce bras de fer] à un an de la présidentielle, assure sur FRANCE 24 l'historien François Durpaire, co-auteur de l'ouvrage "Obama face à la crise". Les républicains souhaitent remettre le sujet sur la table en pleine campagne. Cela leur permet de présenter Barack Obama comme dépensier et d'en faire le responsable de cette crise."

D'ici au 2 août, les deux camps devraient donc s'entendre sur un plan de compromis qui maintiendra "le statu quo" et "ne changera pas grand chose à la situation", estime Jean Imbs. "Pour l'instant, les républicains ne sont pas assez puissants pour s'attaquer aux programmes sociaux tels que Medicare. Et Barack Obama ne peut pas augmenter considérablement les impôts avant la présidentielle."

La menace d'une dégradation de la note américaine

Dans le cas contraire, c'est bien un scénario catastrophe qui se dessinerait, à en croire les mises en garde qui se multiplient depuis des semaines. La nouvelle directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), la française Christine Lagarde, a estimé mardi qu'un défaut de paiement aurait des conséquences "très, très, très graves" pour l'économie mondiale. La veille, le FMI avait déjà mis en garde contre le risque d'"un choc grave" pour les États-Unis. Le président de la banque centrale américaine (Fed), Ben Bernanke, anticipait la semaine précédente une crise "majeure"...

Lundi soir, le président Barack Obama a même pris les Américains à témoin, les appelant à faire pression sur le Congrès pour parvenir à un accord. "Nous ne pouvons pas jouer à ce jeu dangereux, a-t-il déclaré lors d'une allocution télévisée. Pas quand les emplois et la vie de tant de familles sont en jeu."

Plus qu'une "fermeture" temporaire du gouvernement fédéral, c'est la perspective d'un abaissement de la note des États-Unis par les agences de notation qui inquiète les économistes. Moody's puis Standard & Poor's ont en effet déclaré envisager de dégrader d'un cran le "triple A" des États-Unis. Il s'agirait, là aussi, d'une situation inédite. "Le taux d'intérêt de référence, le taux 'sans risque', est historiquement celui des obligations américaines, explique Jean Imbs. Cette valeur est considérée comme la plus sûre au monde. Si la note américaine était dégradée, cela voudrait dire que ce taux 'sans risque' ne l'est pas vraiment..."

Une baisse du prix des obligations américaines pourrait avoir un impact sur les banques et les fonds de pension qui en détiennent une grande part. Washington verrait le montant des intérêts qu''il paie sur sa dette augmenter de dizaines de millions de dollars. Les ménages américains pourraient eux être directement touchés, notamment en raison de la hausse des taux d'intérêts dans certains secteurs.

Même si un accord est trouvé dans les jours qui viennent, la menace d'une dégradation de la note américaine continuera de planer sur Washington. "La situation de la dette américaine est une préoccupation légitime et importante, ajoute Jean Imbs. L'essentiel de cette dette est lié aux engagements de l'État en matière de santé et de retraites. Jusqu'à la présidentielle de 2012, je ne pense pas qu'il y aura de solutions sérieuses à ce problème."