
La consigne donnée par le ministre français de l'Éducation d'exclure de la notation du bac S un exercice ayant fait l'objet d'une fuite est de plus en plus contestée. Parents d'élèves et syndicats de lycéens lui demandent de revenir sur sa décision.
AFP - Deux frères étaient en garde à vue jeudi dans l'affaire de la fuite au baccalauréat S et le ministre de l'Education nationale Luc Chatel a donné des consignes de bienveillance pour sa notation, sans empêcher recours et contestations contre son choix d'annuler l'exercice litigieux.
Une enquête administrative a par ailleurs été ordonnée après de nouvelles rumeurs de fraude dans d'autres disciplines, tous ces rebondissements relançant le débat sur une autre organisation du diplôme phare du système éducatif français.
Ces deux frères de 21 et 25 ans, travaillant ou étudiant dans l'informatique, étaient entendus à Paris par la Brigade de répression de la délinquance contre la personne, dans le cadre de l'enquête ouverte la veille après une plainte de M. Chatel pour "fraude aux examens", "recel et abus de confiance".
Ils risquent trois ans de prison et 9.000 euros d'amende.
La plainte fait suite à la divulgation sur internet lundi soir d'un exercice de probabilités de l'épreuve de mathématiques du bac S passée mardi par 165.000 élèves, un événement rarissime.
Après avoir décidé mercredi d'exclure cet exercice de la notation, M. Chatel a précisé la façon dont les élèves seraient notés.
Les quatre points de l'exercice de probabilités seront répartis sur les exercices 2 et 3 de l'épreuve de maths. "Instructions ont été données pour que ces quatre points soient redistribués sur les réponses que les candidats auront le mieux réussi", a détaillé sur RTL M. Chatel.
Et le ministre a donné des consignes de bienveillance quand les jurys examineront le sort des candidats dont la moyenne générale sera à un point d'un des seuils décisifs. Entre 7 et 8 pour avoir l'oral, entre 9 et 10 pour le bac dès le premier tour, entre 11 et 12 pour la mention assez bien...
"Tous ces cas seront examinés dans le détail par les jurys", mais pour autant "nous n'allons pas gonfler les notes", a dit M. Chatel.
Interrogé par l'AFP pour savoir si une moyenne de 9 suffirait pour avoir le bac S, le directeur général de l'enseignement scolaire, Jean-Michel Blanquer, a répondu "non, on demande une vigilance et une bienveillance accrues, mais ce n'est absolument pas une dégradation de la moyenne".
"L'esprit de la mesure qui a été prise, c'est celle de la crédibilité du bac", a-t-il ajouté.
Les choix du ministère ont néanmoins été vivement contestés par des élèves, des parents et des organisations du milieu éducatif.
Un premier recours plaidant l'inégalité de traitement a été déposé au Conseil d'Etat, qui s'est dit incompétent au profit du tribunal administratif (TA). Un lycéen de la Rochelle a d'ailleurs saisi le TA de Poitiers pour faire annuler la décision de ne pas noter l'exercice litigieux.
Les parents d'élèves de la FCPE et les syndicats lycéens UNL et Fidl ont aussi demandé à M. Chatel de revenir sur ce choix. Une pétition sur internet allant dans le même sens réunissait jeudi soir plus de 12.000 signatures.
Plus tôt, le ministre avait ordonné une "enquête administrative" sur des rumeurs aux épreuves d'anglais et de physique du bac S, précisant n'avoir "aucune indication sur d'autres fraudes" que celle à l'épreuve de mathématiques.
Il a demandé à l'inspection générale de réfléchir à "l'organisation du bac et à la sécurisation plus forte des épreuves".
Plusieurs voix s'élèvent d'ailleurs pour dire que le bac est à "un point de rupture", le vieux modèle d'un diplôme uniquement fondé sur l'examen terminal étant dépassé à l'heure des nouvelles technologies.
A l'instar des pays étrangers, il faut instaurer d'autres formes d'examen comme du contrôle continu, a plaidé Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN, principal syndicat des chefs d'établissement.