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Couvre-feu à Abidjan, l'étau se resserre autour de Laurent Gbagbo

Les Forces républicaines encerclent, jeudi soir, Abidjan, placée sous couvre-feu, alors que le gouvernement Ouattara a ordonné la fermeture des frontières. Bien qu'affaibli par de nombreuses défections, Laurent Gbagbo n'entend pas se rendre.

L'étau se resserre, jeudi soir, autour de Laurent Gbagbo alors que les troupes fidèles à Alassane Ouattara encerclent la ville. Des rafales d'armes automatiques et des tirs à l'arme lourde ont retenti par intermittences durant la journée, tandis que certains secteurs étaient livrés aux pillages. La plupart des habitants préféraient rester chez eux dans la crainte d'une bataille finale dans cette métropole d'au moins quatre millions d'habitants.

Dans la soirée, le gouvernement Ouattara a ordonné la fermeture jusqu'à nouvel ordre des frontières terrestres, aériennes et maritimes du pays, et imposé un couvre-feu de nuit (de 21h00 à 06h00 locales) jusqu’à dimanche.

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"Je vous demande de vous mettre à la disposition de votre pays et de rejoindre ainsi la légalité"
Couvre-feu à Abidjan, l'étau se resserre autour de Laurent Gbagbo

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères français, Bernard Valero, a par ailleurs confirmé lors d'une interview à FRANCE 24 que des soldats de la force française Licorne étaient déployés à Abidjan, notamment à la suite de pillages en zone 4, un quartier du sud de la ville où habitent des ressortissants européens. Il a ajouté qu'au cas où s'engagerait la bataille d'Abidjan, Paris souhaitait que les forces des Nations unies soient visibles.

La mission militaire des Nations unies en Côte d'Ivoire, l'Onuci, a pris le contrôle de l'aéroport d'Abidjan dans la soirée, et son responsable, Youn Jin-Choi, affirmait à l’antenne de France Info que l’hôtel du Golf, où s’était retranché le président élu Alassane Ouattara, n’était plus soumis au blocus que lui imposaient les forces fidèles à Laurent Gbagbo depuis décembre dernier.

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Guillaume Soro sur France 24 : "nous leur donnons quelques heures. Il faut que Gbagbo se rende maintenant"
Couvre-feu à Abidjan, l'étau se resserre autour de Laurent Gbagbo

L’ultimatum de Soro à Gbagbo

Lors d’un entretien exclusif accordé à FRANCE 24, le Premier ministre nommé par Alassane Ouattara, Guillaume Soro, a lancé un ultimatum au président sortant Laurent Gbagbo, alors que de nombreux responsables militaires ont fait défection : "il y a des défections par groupes dans la police, dans la gendarmerie et dans l’armée (…) Nous donnons encore la possibilité dans les minutes, dans les heures qui suivent, au maximum de faire le ralliement, et à Gbagbo de se rendre".

"Je confirme qu’à l’heure actuelle nos troupes ont encerclé la ville d’Abidjan", a ajouté Guillaume Soro.

Mais Laurent Gbagbo "ne démissionnera pas et ne se rendra pas à quelques rebelles", affirmait ensuite sur l’antenne de FRANCE 24 Alain Toussaint, l’un des conseillers du président sortant ivoirien.

Gbagbo lâché par les siens

Youn Jin-Choi a aussi précisé que les 50 000 policiers et gendarmes avaient "quitté" Laurent Gbagbo, à l’exception de la garde républicaine et des Cecos, qui protègent le palais présidentiel.

Ces défections interviennent alors qu'on a appris jeudi que le général Philippe Mangou, chef d'état-major de l'armée ivoirienne, avait lâché le président sortant mercredi soir.

Le général Philippe Mangou a trouvé refuge à l'ambassade d'Afrique du Sud à Abidjan, indique jeudi midi le site Internet du ministère sud-africain des affaires étrangères.

"Le gouvernement sud-africain souhaite informer du fait que le chef d’état-major de l’armée, le général Philippe Mangou, des Forces de défense et de sécurité (FDS), a trouvé refuge la nuit dernière dans la résidence de l’ambassadeur d’Afrique du Sud en Côte d’Ivoire, Mme Zodwa Lallie", indique le message. "Le général s’y trouve en compagnie de sa femme et de ses cinq enfants", précise encore le communiqué sud-africain.

Un haut responsable du ministère sud-africain des Affaires étrangères, Clayson Monyela, a ajouté que Philippe Mangou et sa famille ont été accueillis "pour raisons humanitaires", et qu'aucune décision n'a été prise quant à l'opportunité de leur accorder l'asile.

Les troupes pro-Ouattara à 100 km d'Abidjan

Des tirs se font entendre à Abidjan, ce jeudi, au quatrième jour de l’avancée fulgurante des forces pro-Ouattara depuis Yamoussoukro et San Pedro, deux villes dont elles se sont emparées hier et cette nuit. "Il y a des barrages de patriotes partout, cela tire beaucoup aux Deux Plateaux et vers Yopougon", témoigne un Observateur de FRANCE 24 vivant à Abidjan. Les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) favorables à Alassane Ouattara, se trouvent à présent à une centaine de kilomètres d'Abidjan, selon un témoignage recueilli par l’AFP ce jeudi midi.

"La progression [militaire] doit se poursuivre. L’objectif unique est de rétablir le verdict des urnes et d’instaurer la démocratie. La Côte d'Ivoire est une et indivisible. Gbagbo a quelques heures pour partir, sinon ce sera la marche sur Abidjan et ce sera plus compliqué pour lui", a affirmé mercredi soir, sur FRANCE 24, Guillaume Soro, le Premier ministre nommé par le président ivoirien reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara.

Deux gendarmes français blessés par des pro-Gbagbo

Sanctions de l'ONU contre Laurent Gbagbo

Mercredi, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l'unanimité une résolution imposant de nouvelles sanctions à l'encontre de Laurent Gbagbo, de son épouse Simone et de leurs plus proches collaborateurs, prévoyant un gel de leurs avoirs et l'interdiction de voyager.

Le Conseil de sécurité a renouvelé son "entier soutien" aux forces de l'ONU présentes en Côte d'Ivoire (Onuci) qui peuvent recourir à "toutes les mesures nécessaires" pour assurer leur mandat qui est de protéger les civils et d'empêcher l'utilisation d'armes lourdes contre les population civiles.

Même si Guillaume Soro n’a pas voulu confirmer que les blindés des forces pro-Ouattara se dirigeaient à présent vers Abidjan - "Je ne vais pas dévoiler ici la stratégie militaire des Forces républicaines", a-t-il expliqué -, il n’a pas caché que le contrôle de la capitale économique ivoirienne était le but ultime de l'offensive.

En ville, la tension était déjà palpable, mercredi. Selon l'AFP, des tirs, notamment à l'arme lourde, ont été entendus dans plusieurs quartiers du nord de l'agglomération et de nombreux habitants sont rentrés précipitamment chez eux. Deux gendarmes français, en fonction à l'ambassade de France, ont été blessés et leur voiture a été la cible de tirs de la part de partisans de Laurent Gbagbo. Paris a dénoncé un acte "inadmissible".

"La situation a évolué très vite au cours des dernières 24 heures, résume Zoumana Zoom Dosso, le correspondant de RFI à Duékoué. Toutes les forces restées fidèles à Laurent Gbagbo sont désormais à Abidjan. S’il ne plie pas et que les forces pro-Ouattara arrivent, il y aura une grande bataille dans laquelle il risque d’y avoir beaucoup de dégâts. Des journaux parlent déjà du départ de Laurent Gbagbo en Afrique du Sud. Mais tout ceci n’est pas encore confirmé pour l'instant."


 "Nous ne rencontrons pas de résistance"

Les forces pro-Ouattara se sont emparées de deux villes symboliques ce mercredi : le port stratégique de San Pedro, premier port d'exportation de cacao au monde, et la capitale du pays, Yamoussoukro.

Ville natale de l'ancien président Félix Houphouët-Boigny, la capitale administrative ivoirienne est tombée facilement. Seuls quelques tirs de kalachnikov ont été entendus, selon le témoignage de certains de ses habitants. Guillaume Soro a déclaré "vouloir éviter les combats dans cette ville". Selon plusieurs témoignages recueillis par l’AFP, les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) favorables à Alassane Ouattara ont ensuite poursuivi leur route vers le sud, ne laissant qu'un petit détachement en ville.

Depuis quatre jours, les FRCI avancent sans difficulté vers le sud du pays, prenant le contrôle de villes symboliques comme Gagnoa, en "pays bété" (centre-ouest du pays), région natale de Laurent Gbagbo. "Nous ne rencontrons pas de résistance, mais des ralliements, a encore affirmé Guillaume Soro au micro de FRANCE 24. Nous avons déjà été contactés par plusieurs généraux qui ne se sont pas publiquement dévoilés, pour des raisons de sécurité. Les seules difficultés que nous avons rencontrées, c’est avec les miliciens et les mercenaires, du côté de Duékoué [ouest du pays]."