Le gouvernement change une nouvelle fois de visage. Alain Juppé, Gérard Longuet et Claude Guéant investissent les ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Intérieur. Retour sur les parcours de trois briscards de la politique.
Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères
Plus qu’un retour en grâce, c’est une consécration. Trois mois après avoir été nommé à la tête du ministère de la Défense, Alain Juppé prend les rênes de la diplomatie française. Sa nomination aux Affaires étrangères ne surprend pas. Depuis que Michèle Alliot-Marie s’est embourbée dans des polémiques liées à ses relations avec le clan Ben Ali en Tunisie, Alain Juppé joue un rôle officieux de chef de la diplomatie. "Je souhaite de tout cœur que Kadhafi vive ses derniers moments de chef d’État", a-t-il notamment affirmé sur France Inter le 24 février dernier.
Nommé dimanche au Quai d’Orsay, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac (1995-1997), contraint d'abandonner temporairement la vie politique après sa condamnation dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris en 2004, retrouve ainsi sa place de poids lourd de la majorité à un poste qu'il connaît bien pour l'avoir déjà occupé sous le gouvernement Balladur (1993-1995).
"Pas vraiment sarkolâtre", selon ses propres termes, ce fidèle parmi les fidèles de Jacques Chirac, dont il fût également le ministre du Budget (1986-1988), n’hésite pas à critiquer l’actuel chef de l’État. Ce dernier lui confie pourtant un grand ministère de l'Écologie et du Développement durable (mai-juin 2007), puis le portefeuille de la Défense à l'automne dernier. Aujourd'hui considéré comme le "numéro 1 bis" du gouvernement, Alain Juppé s’est imposé, en quelques mois, comme l’un des hommes-clés du système Sarkozy.
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portrait d'Alain Juppé, nouveau chef de la diplomatie
Gérard Longuet, ministre de la Défense
Écarté du gouvernement lors du remaniement ministériel de novembre dernier malgré les promesses de Nicolas Sarkozy, Gérard Longuet a finalement décroché le portefeuille qu’il lorgnait depuis plusieurs mois. Nommé dimanche à la Défense, le sénateur de la Meuse et président du groupe UMP au Sénat a ainsi succédé à Alain Juppé.
Cette nomination marque son retour au gouvernement, après une saga judiciaire de plus de quinze ans qui lui avait coûté son poste de ministre de l’Industrie dans le gouvernement Balladur en 1994 et enrayé son ascension au sein de la droite française . Poursuivi dans une affaire liée au financement de sa villa à Saint-Tropez, puis mis en examen pour le financement présumé occulte du Parti républicain, il a bénéficié de plusieurs relaxes et non-lieux, et a été définitivement blanchi en février 2010 de toutes les accusations qui pesaient contre lui.
Il débute tôt sa carrière politique en participant en 1964 à la création du mouvement d’extrême - droite Occident avec Alain Madelin. Un temps p roche du Front national, il se tourne finalement vers le Parti républicain à la fin des années 70.
Ses petites phrases assassines et propos mal contrôlés lui ont valu une réputation d’électron libre dans la sphère sarkozienne. Des saillies verbales qui lui ont aussi valu des critiques acerbes, notamment lorsqu’il s’est opposé à la nomination de Malek Boutih à la tête de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), au motif "qu'il vaut mieux que ce soit le corps français traditionnel qui se sente responsable de l’accueil de tous nos compatriotes"
Malgré des rapports assez tumultueux avec Nicolas Sarkozy, dont il a été conseiller entre 2007 et 2009, il a finalement réussi à se glisser à la tête des armées, redevenant ainsi un homme de poids dans la sphère politique française.
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Portrait de Claude Guéant, nouveau ministre de l'Intérieur
Claude Guéant, ministre de l’Intérieur
Jusqu’alors secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant succède désormais à Brice Hortefeux à la tête du ministère de l’Intérieur, poste qu’il convoitait depuis longtemps.
Surnommé le vice-roi ou le Premier ministre-bis dans les couloirs de Matignon et de l’Élysée, Claude Guéant est le plus proche conseiller de Nicolas Sarkozy. Il l’épaule d’ailleurs depuis près de dix ans, de la place Beauvau jusqu’à l’Élysée en passant par Bercy.
Bourreau de travail, il est décrit comme un homme sérieux, discret et intègre. Préfet brillant et habile, il est nommé directeur général de la police par Pasqua en 1994. Son caractère hyperactif et autoritaire lui attire de vives critiques au moment des attentats de 1995 dans le métro parisien. Mais le démantèlement de réseaux terroristes lui donne crédit et fait taire ses détracteurs.
En 2002, il entre au service de Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier s’installe au ministère de l’Intérieur. Il ne s’en éloignera pas. Sous ses ordres, il parvient à l’arrestation en Corse d’Yvan Colonna, assassin présumé du préfet Claude Érignac. C’est également lui qui chapote la gestion des émeutes dans les banlieues françaises en 2005.
"Nous étions clairement dans une démarche de conquête, cela a été passionnant", se rappelle-t-il en 2007 au lendemain de la victoire de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle.
Homme de l’ombre, il tempère les accès de colère du président, joue le rôle de "facilitateur" auprès des ministres. Son influence irrite cependant. Suivant les instructions du chef de l’État, il n’hésite pas à court-circuiter le Premier ministre François Fillon ou à prendre en main des affaires diplomatiques sensibles, au détriment du numéro un du ministère des Affaires étrangères. Alain Juppé aurait d’ailleurs conditionné sa nomination à la tête de la diplomatie française à la non-intervention de Claude Guéant – et de Jean-David Lévitte, autre proche conseiller de Nicolas Sarkozy – dans les affaires du Quai d’Orsay.