
L'excentrique mais pragmatique leader libyen Mouammar Kadhafi est arrivé au pouvoir en 1969, à la faveur d'un coup d'État pacifique. Il fait aujourd’hui figure de doyen des chefs d'État en exercice dans le monde arabe et africain. Portrait.
Réputé pour son comportement fantasque et véritable bête noire de l'Occident au cours des années 1980, Mouammar Kadhafi a réussi à se maintenir à la tête de l'État libyen pour devenir, à 68 ans, le plus ancien dirigeant arabe et africain. Ce colonel autoproclamé général, guide suprême de la révolution et "roi des rois traditionnels d'Afrique" a fêté en 2009 ses quarante années passées au pouvoir.
Né le 19 juin 1942 dans une famille de bédouins à Syrte, dans une région désertique du nord du pays, Mouammar Kadhafi a 27 ans quand il renverse sans violence le vieux roi Idris Ier, le 1er septembre 1969. Inspiré par le président égyptien Gamal Abdel Nasser, il prône alors un régime fondé sur le socialisme islamique et le panarabisme et abolit la monarchie pour créer la République arabe libyenne.
"Le chien fou du Moyen-Orient"
Démocratie directe, statut de la femme, réunification du monde arabe, religion... Le dirigeant libyen détaille sa vision du monde dans son "Livre vert" - en référence au "Petit livre rouge" du leader chinois Mao Zedong -, un texte en trois parties publié au cours des années 1970. À la fin de cette décennie, Mouammar Kadhafi est devenu le guide suprême de la révolution et son pays, rebaptisé "Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste", se veut un État gouverné par des comités populaires élus, censés remplacer les partis. Dans les faits, la Libye est avant tout un État policier où toute activité politique indépendante est interdite et où des dizaines de personnes sont toujours incarcérées en raison de leurs opinions.
La Libye est également, dans les années 1980, le paradis des radicaux anti-occidentaux. Mise au ban de la communauté internationale, elle est accusée de soutenir le terrorisme palestinien et l'Armée républicaine irlandaise (IRA), et d'être directement impliquée dans l'attentat d'une discothèque de Berlin. En 1986, l'administration américaine conduite par Ronald Reagan, qui surnomme Mouammar Kadhafi "le chien fou du Moyen-Orient", bombarde la capitale libyenne.
En 1988, les tensions entre Tripoli et l'Occident atteignent leur apogée. Le 21 décembre 1988, un avion de la compagnie américaine Panam explose au-dessus de Lockerbie, une ville du sud de l'Écosse, et 270 personnes sont tuées. Deux ressortissants libyens sont alors accusés d'être responsables de l'attentat, mais Mouammar Kadhafi refuse de les livrer à la justice. "Il y a une grande différence entre la lutte contre l'impérialisme pour la liberté et le terrorisme", déclare-t-il le 22 mai 1989.
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La Libye de retour sur la scène internationale
Les sanctions des Nations unies ne tardent pas à tomber : en 1992 et 1993, l'organisation impose au pays un embargo sur les armes, sur les liaisons aériennes, ainsi que sur le matériel destiné à l'industrie pétrolière, ce qui paralyse l'économie.
Isolé, Mouammar Kadhafi entame alors, à la fin des années 1990, un processus visant à réhabiliter la Libye sur la scène internationale. En 1999, il livre les suspects de l'attentat de Lockerbie à la justice écossaise, puis accepte de dédommager les familles des victimes. Les sanctions onusiennes sont levées en 2003.
En 2004, il renonce à son programme nucléaire. Le leader libyen ouvre également le pays aux entreprises anglo-saxonnes et libère en 2007 des infirmières bulgares détenues depuis huit ans dans les geôles du pays, affaire dans laquelle les autorités françaises se sont fortement impliquées. Mouammar Kadhafi, qui ne se déplace jamais sans sa tente bédouine, est reçu dans les principales capitales occidentales, dont Londres ou Paris. Il milite en parallèle pour la constitution des "États-Unis d'Afrique".
Connu pour ses tenues traditionnelles, ses lunettes de soleil ou ses femmes gardes du corps, le "guide" libyen reste considéré à l'étranger comme un politicien avisé. Aujourd'hui, c'est pourtant dans son pays qu'il doit affronter une vague de protestation. La jeunesse se plaint notamment du chômage, du manque de libertés et des inégalités.