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Nicolas Sarkozy relance le débat sur la place de l’islam en France

Moins d'un an après l'interdiction du port du voile dans les lieux publics, Nicolas Sarkozy relance le débat sur la laïcité. Et veut porter une attention toute particulière à la place que doit tenir l'islam en France.

Jeudi, devant une assemblée composée de députés de la majorité, Nicolas Sarkozy a réaffirmé ses positions sur la laïcité et plus spécifiquement sur le statut qu’occupe l’islam dans la société française. Le président français a annoncé que son parti, l'UMP, allait organiser une convention sur la laïcité en France le 5 avril prochain, un préalable à la prise de "mesures concrètes".

Cette nouvelle sortie de Nicolas Sarkozy, qui intervient un peu plus d’une semaine après une remise en cause ouverte du multiculturalisme "à la française" au cours de son intervention télévisée du jeudi 10 février, achève de faire de la seconde religion du pays l’une des thématiques phares de la présidentielle de 2012.

"Il y a un décalage croissant entre les médias et les préoccupations des Français […] Les racistes d’hier sont devenus les populistes d’aujourd’hui", a déploré le président devant les députés UMP, reçus, jeudi, à l’Élysée. Une référence à peine masquée à la montée en puissance du Front national (FN), qui traduit en substance la stratégie de l’UMP visant à récupérer un électorat navigant entre deux eaux. Un procédé devenu presque traditionnel pour le parti présidentiel.

"Nous sommes une société laïque"

“On a payé très cher la cécité sur l’immigration dans les années 1980. C’était un débat tabou. Avec la laïcité et l’islam, il se passe la même chose", a développé Nicolas Sarkozy, qui a réaffirmé qu’il n’était "pas question d’avoir une société française qui subirait un islam en France".

Le président français a insisté sur la nécessité de développer un "islam de France" et non un "islam en France".

S’appuyant sur les conclusions du débat sur le port du voile, qu’il présente comme un succès, il a affiché son souhait d’avoir "un débat sur la prière dans la rue". "Dans un pays laïc, il ne doit pas y avoir d’appels à la prière. Il faut aboutir à un corpus idéologique sur la place des religions, en 2011", précise-t-il.

Pour le secrétaire d’État au Logement, Benoist Apparu, la solution pourrait se trouver dans la construction de mosquées financée par l’argent public. Sur BFM TV, jeudi matin, il s’est exprimé, "à titre personnel", sur le sujet. "À mon avis, il faut faciliter la construction de mosquées dans notre pays, quitte, s'il le faut, à ce que l'État y participe. Même si c'est contraire à la loi de 1905 [sur la séparation de l'Église et de l'État], on pourra faire un aménagement s'il le faut."

Depuis décembre 1905 et la loi sur la séparation de l’Église et de l’État, la France "ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte", selon les termes de l’article 2 du texte.

L’UMP tempère, le FN espère

La sortie de Benoist Apparu a été rapidement tempérée par le ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, François Baroin, interrogé sur Europe 1 dans la matinée : "Il n'y a pas dans l'agenda gouvernemental de texte portant sur une modification de la loi de 1905 et comme responsable politique, conseiller politique de l'UMP et en charge du débat, je ne serai pas favorable à une modification."

À gauche, sur un sujet sensible et traditionnellement réservé aux joutes entre les différentes factions de la moitié droite de l’hémicycle, peu de voix se sont élevées.

Le député socialiste Henri Emmanuelli a tout de même déploré que le président Sarkozy n’ait "toujours pas compris qu'avec ce genre d'initiative il travaille pour Marine Le Pen".

Et justement, pour la présidente du FN, le processus est déjà lancé : "Ils vont nous proposer le financement public des mosquées, la révision de la loi de 1905, une fondation pour permettre aux musulmans de financer des mosquées tout en ne payant pas d'impôts [...] Je crois que c'est exactement ce que les Français ne veulent pas."

Sur les ondes de France Info ce matin, Marine Le Pen constate avec ironie qu’"encore un petit débat, un petit blabla sur l’islam, la laïcité" pourrait permettre au FN de "terminer la présidentielle à 25 %". Un sondage Ifop publié jeudi a dévoilé que le parti d’extrême droite recueillait jusqu’à 20 % des intentions de vote pour l’élection présidentielle de 2012.