
Le tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré lundi incompétent pour juger si le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux avait violé la présomption d'innocence en qualifiant un homme arrêté par la police de "djihadiste français" .
Reuters - Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a échappé lundi à une troisième condamnation dont il était menacé devant le tribunal de Paris dans une procédure pour violation supposée de la présomption d'innocence.
Comme le demandait le ministre, le tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré lundi incompétent pour statuer sur la demande de Ryad Hannouni, arrêté en septembre et soupçonné de militer dans la mouvance islamiste radicale.
Le ministre l'avait qualifié de "djihadiste français" le 6 octobre alors que l'homme conteste cette allégation et n'a pas été condamné. Il demandait un euro symbolique de dommages et intérêts.
Les juges ont estimé que c'était le tribunal administratif qui était à même de statuer sur ces faits, qui relèvent selon lui de l'exercice des fonctions de ministre. Ryad Hannouni peut donc poursuivre la procédure mais les délais risquent d'être importants et l'affaire risque de tourner court.
L'avocat du plaignant, Me Arié Alimi, a estimé que la tension actuelle entre le pouvoir politique et la magistrature, lancée dans une grève inédite des audiences pour protester contre des propos de Nicolas Sarkozy mettant en cause la justice dans un autre dossier, avait pesé sur l'affaire.
"Le juge a botté en touche, nous sommes dans un contexte assez délicat (...) Peut-être (le juge) n'a-t-il pas voulu
mettre de sel sur le litige qui existe en ce moment", a dit l'avocat aux journalistes.
Deux autres condamnations
Le ministre de l'Intérieur met en avant un attendu du tribunal qu'il interprète comme favorable à Brice Hortefeux.
"Aucun élément ne permet de retenir que le ministre aurait agi dans une intention malveillante ou pour satisfaire un interêt personnel étranger au service public lorsqu'il a tenu les propos poursuivis", dit le jugement.
Cependant, les juges ne tirent pas de cette analyse juridique l'idée que le ministre est blanchi. Leur conclusion est : "Le tribunal se déclare incompétent, renvoie Ryad Hannouni à mieux se pourvoir" (à saisir une autre juridiction-NDLR). Le plaignant est toutefois condamné à payer les frais de justice.
Cette décision est un soulagement pour Brice Hortefeux, qui aurait été mis en difficulté par une condamnation. Il a déjà été en effet sanctionné deux fois par les tribunaux.
Le tribunal correctionnel de Paris lui avait infligé en juin 2010 une amende de 750 euros en correctionnelle pour injure raciste envers un militant maghrébin de l'UMP. Il a fait appel et sera rejugé le 9 juin prochain.
En décembre, il avait été condamné civilement à Paris pour violation de la présomption d'innocence à la demande d'un magistrat, David Sénat, suspecté d'avoir informé la presse dans le dossier Bettencourt et d'avoir enfreint le secret professionnel, faits que le ministre a présentés comme avérés. Il a aussi fait appel, mais aucune date n'est prévue.