Au lendemain des affrontements meurtriers entre manifestants et forces de l'ordre, des opposants au régime sont de nouveau descendus dans les rues de la capitale égyptienne. Au moins 500 personnes auraient été arrêtées ce mercredi.
Malgré les avertissements du ministère égyptien de l’Intérieur, qui a formellement interdit, ce mercredi matin, tout nouveau rassemblement dans le pays, les opposants au régime du président Moubarak, au pouvoir depuis près de 30 ans, ont commencé à affluer dans les rues du Caire, aux alentours de la place Tahrir ("libération", en arabe).
À l’appel du mouvement du 6-Avril, qui recommandait sur sa page Facebook de contourner la place en passant par les rues adjacentes, des dizaines de groupes ont tenté d’accéder au centre de la capitale, barricadé par des services d’ordre renforcés. Ils ont rapidement été dispersés par la police.
"Il y aurait eu des échauffourées entre manifestants et forces de l’ordre et des dizaines d’arrestations", selon Tamer Ezzeldine, correspondant de FRANCE 24 au Caire, qui n’a cependant pas pu vérifier ces informations.
Surprises par l’affluence des manifestants qui étaient plus de 2 000 dans les rues du Caire mardi, les forces de police semblent parvenir, ce mercredi, à juguler les foules. Au moins 700 personnes auraient été arrêtées dans le pays hier, selon les services de sécurité, dont 500 pour la seule journée d'aujourd'hui.
Parmi elles, figurent environ 90 personnes interpellées dans le secteur de la place Tahrir, dans le centre du Caire, et 121 membres de l'organisation islamiste des Frères musulmans, officiellement interdite mais tolérée dans les faits, interpellés à Assiout, au sud de la capitale égyptienne.
La mobilisation sur la Toile ne faiblit pas
Fer de lance des manifestations de mardi, le mouvement du 6-Avril, un groupe de militants pro-démocratiques, appelle à poursuivre la mobilisation malgré l’important dispositif policier.
"Descendez dans la rue, venez avec nous sur le terrain de la libération", "On ne va pas changer notre pays seulement avec Internet, il faut descendre dans la rue !", peut-on lire en arabe sur la page Facebook du mouvement qui compte plus de 80 000 "fans". À l'instar de Twitter, le célèbre site de réseau social a permis, comme en Tunisie, de mobiliser de nombreux mécontents.
Bien qu’aucun étranger n’ait été pris à parti dans les manifestations égyptiennes, la France appelle ses ressortissants à rester vigilants et à éviter les lieux de rassemblement, étant donné le "climat de tension sociale dans le pays".
"Les manifestations qui ont eu lieu hier [mardi] au Caire et en province, d'une ampleur inhabituelle, se sont déroulées de manière circonscrite", relativise Bernard Regnauld-Fabre, consul général au Caire.
La ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, a déploré les morts lors de ces manifestations et rappelé que la France était favorable à "plus de démocratie dans tous les États".
Le groupe d’opposants a lancé son appel quelques heures seulement après la dispersion musclée des milliers de manifestants dans la soirée de mardi. Entre 20 000 et 30 000 policiers avaient été déployés hier dans la capitale. Les forces de l’ordre avaient alors utilisé bombes lacrymogènes et canons à eaux pour les disperser.
"Quelque 2 000 personnes avaient décidé de passer la nuit sur la place Tahrir, mais ils sont partis progressivement ou ont été chassés, de gré ou de force par la police. Ce matin, la circulation était revenue à la normale", raconte Alexandre Bruccianti, correspondant de RFI au Caire, sur l’antenne de FRANCE 24.
Des manifestations historiques
Des manifestations ont également eu lieu dans d’autres villes du pays réunissant, selon des chiffres officiels, plus de 15 000 personnes au total. À Alexandrie, la mobilisation s’est poursuivie toute la nuit. "Les manifestations d’Alexandrie portent l’empreinte plus visible des Frères musulmans qui y sont très puissants", continue Alexandre Bruccianti.
Ces manifestations sont sans précédents depuis les soulèvements de 1977, provoqués par la hausse du prix du pain.
Dans la journée de mardi, des opposants au régime défilaient aux cris de "Liberté et justice sociale". Tout en demandant le départ du président Hosni Moubarak : "Dehors, dehors dehors, Hosni Moubarak, l’Égypte est libre !"
"Dans le cas de l’Égypte ou de la Tunisie, il y a une montée en puissance de la contestation. Partout, il y a un étouffement politique lié à cette absence de liberté, à cette absence de dignité en termes de traitement des citoyens égyptiens", explique à FRANCE 24 Hichem Ben Yaïche, rédacteur en chef du magazine "New African".
Hosni Moubarak, 82 ans, est au pouvoir depuis 1981. Une élection présidentielle est prévue en septembre, mais le chef de l'État n'a toujours pas fait part publiquement de son intention de briguer un nouveau mandat. Son fils Gamal, 47 ans, est donné comme un possible successeur.