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Jean-Christophe Rufin : "Washington s’implique de plus en plus dans le Sahel"

Ex-ambassadeur de France au Sénégal, l’écrivain Jean-Christophe Rufin est un fin connaisseur des enjeux de l’Afrique sahélienne. Pour France24.com, celui-ci décrypte la coopération anti-terroriste franco-américaine dans la région. Entretien.

Après l’assassinat de deux jeunes Français enlevés au Niger, le chef de l’État français, Nicolas Sarkozy, et le président des États-Unis, Barack Obama, ont affiché leur unité face à la menace terroriste. Pourquoi et comment les deux pays coopèrent-ils dans la bande sahélienne devenue le bastion d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ? Éléments de réponse avec Jean-Christophe Rufin, ancien ambassadeur de France au Sénégal, membre de l'Académie française et auteur du roman "Katiba".

France24.com : En quoi consiste aujourd’hui la coopération franco-américaine dans la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélienne ?

Jean-Christophe Rufin : Bien que Paris et Washington poursuivent des objectifs communs - à savoir protéger leurs intérêts contre les risques terroristes - leurs initiatives sont distinctes et menées en parallèle. Cependant, on observe en ce moment un renforcement de leur coopération en matière d’échange d’informations et de renseignements.

À quel genre d’informations les chancelleries ont-elles désormais accès ?

J-C. R. : Cette coopération permet surtout aux diplomaties françaises et américaines d’obtenir des renseignements émanant de zones où elles ne sont pas forcément bien implantées. En effet, la France et les États-Unis n’ont pas les mêmes alliés en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest. Par exemple, Washington coopère activement avec l’Algérie qui se montre, en revanche, réticente à travailler avec Paris. En échangeant leurs informations, les deux pays peuvent donc couvrir une zone très large sur le continent. Au bout du compte, cela consolide leurs forces.

Selon une note de WikiLeaks, Paris aurait demandé il y a quelques mois à Washington de s’impliquer d’avantage dans la lutte contre le terrorisme dans la région sahélienne. Les États-Unis ont-ils intérêt à répondre favorablement à une telle requête ?

J-C.R. : La position des États-Unis a récemment évolué sur ce point. L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a en effet réussi à les convaincre que trafic de stupéfiants et terrorisme étaient le plus souvent liés. Si bien que, désormais, la diplomatie américaine s’implique de plus en plus dans la lutte contre le terrorisme en Afrique du Nord, région dont elle se désintéressait jusque-là. Les appels du pied de Paris ont donc bien plus de chances d’être entendus qu’auparavant.