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"Cette nouvelle loi sur les médias va d'abord renforcer l'autocensure"

Alors que Budapest prend la tête de l'Union européenne, une loi controversée sur les médias entre en vigueur dans le pays. Le journaliste Attila Mong, opposé à ce texte, juge toutefois qu’il est exagéré de parler de dérive autoritaire du pouvoir.

Attila Mong est le présentateur de la matinale de la radio publique Kossuth. La semaine dernière, il a été "suspendu" pour avoir observé une minute de silence avec l'un des rédacteurs de l'émission, en signe de protestation contre la nouvelle loi sur les médias. Il revient sur cet incident et sur l'impact probable de ce texte, qui entre en vigueur ce vendredi.

France24.com : Pourquoi avez-vous dû cesser de présenter "180 minutes" ?

Attila Mong : Mardi matin, pendant mon émission, j'ai dit que la loi sur les médias avait été approuvée pendant la nuit au Parlement. Selon le règlement interne de la radio, je n'ai pas le droit de faire de commentaires ou d'exprimer d'opinion. Alors nous avons décidé avec l'un des rédacteurs d'observer une minute de silence. Ensuite nous avons poursuivi notre programme pendant 2h30.

Après cette petite provocation, nous n'avons pas été suspendus mais notre statut a été modifié. Nous ne sommes plus présentateur ou rédacteur, mais nous pouvons continuer à travailler comme journalistes reporters. Pour l'instant, nous ne recevons aucune commande de la radio. On nous a dit de rester chez nous en attendant ; nous sommes en quelque sorte "en réserve". La radio a entamé une procédure de discipline contre nous, sur la base de la loi sur le travail. La première audience est prévue le 5 janvier, et la direction veut prouver qu'il y a un manque de professionnalisme et une négligence de notre part. 

France24.com : Selon vous, que va changer cette nouvelle loi sur les médias ?

Attila Mong : En Hongrie, où nous sommes marqués par vingt années de dictature, une grande culture de l'autocensure persiste. Cette loi va donc avant tout renforcer la peur des journalistes et encourager cette culture, sans même que les autorités n'aient réellement besoin de la mettre en œuvre. Les organes de presse vont aussi avoir peur de devoir payer des amendes et risquent d'ignorer certains sujets plutôt que de se mettre dans une situation difficile. 

France24.com : Est-ce que vous pensez que le gouvernement de Viktor Orbán peut reculer ?

Attila Mong : Il y a eu ici quelques manifestations contre cette loi et des signes de solidarité, sur Facebook par exemple. Mais ces mouvements vont s'essouffler ; dans quelques mois tout le monde vivra avec cette loi, en tout cas si l'Union européenne ne fait rien. L'UE a fait pression sur la France au sujet des Roms, et finalement Nicolas Sarkozy a changé, ou en tout cas promis de changer de stratégie. Une forte pression européenne peut donc sans doute avoir un impact ici, d'autant plus que Budapest prend la présidence tournante du Conseil de l'Union ce 1er janvier. 

France24.com : Cette loi est-elle le signe d'une dérive autoritaire du pouvoir ?

Attila Mong : Non, je pense que ces termes sont exagérés. La presse allemande notamment compare la situation à celle des années 1930, mais cela n'a rien à voir. La démocratie est toujours en marche en Hongrie, nous avons une Cour constitutionnelle - même si ses droits sont plus limités -, des institutions... Il faut simplement que les citoyens et les médias fassent entendre leur voix. Même si l'Union européenne peut nous aider, c'est surtout à la Hongrie de résoudre son problème. Mais je n'ai pas peur. Il y a toujours une sorte de jeu entre le pouvoir et les journalistes ; en ce moment le pouvoir est plus fort, mais les journalistes doivent - et peuvent - continuer à exercer leur métier.