
Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, qui a jugé "disproportionnée" la condamnation de sept policiers à des peines de prison ferme, a déclenché une polémique politique, sur fond de tensions entre police et justice.
AFP - Le soutien apporté par le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, à sept policiers condamnés vendredi à de la prison ferme par le tribunal de Bobigny a déclenché samedi une polémique politique, sur fond de nouvelles tensions entre policiers et magistrats.
"Laissez les magistrats faire leur travail!", a lancé la patronne du PS Martine Aubry à l'attention de M. Hortefeux, qui avait qualifié le jugement de "disproportionné".
La condamnation des sept policiers à des peines allant de six mois à un an de prison pour avoir menti en accusant un automobiliste d'avoir renversé l'un d'eux a relancé le feuilleton de la guerre police-justice.
Les syndicats policiers ont violemment mis en cause les magistrats de Bobigny, qu'ils accusent régulièrement de laxisme.
"Ce tribunal est connu pour receler les pires idéologues de la culture de l'excuse quand il s'agit de remettre dehors à tour de bras les trafiquants de stupéfiants, braqueurs, auteurs de tentatives d'homicide, etc.", a fustigé Synergie-Officiers.
Mi-novembre, la libération d'un trafiquant de drogue présumé, chez qui avaient été découverts des stupéfiants et une Kalachnikov, avait également provoqué leur colère.
Les policiers, qui avaient manifesté à plus de 200 vendredi devant le tribunal, avaient reçu le soutien du préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, qui s'était dit "très étonné".
"Ce jugement (...) peut légitimement apparaître, aux yeux des forces de sécurité, comme disproportionné", avait renchéri Brice Hortefeux.
Samedi devant le conseil national de l'UMP, le ministre a réitéré sa position. "Le métier de policier, de gendarme, de sapeur pompiers, ce n'est pas un métier comme les autres. C'est un métier où il arrive quotidiennement de risquer sa vie, et je me réjouis de la décision du parquet de faire appel de ce jugement", a-t-il déclaré.
En face, des magistrats se sont dits "consternés". "Que le ministre de l'Intérieur soutienne des policiers condamnés pour des faits particulièrement graves, c'est ahurissant", a déclaré à l'AFP Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (majoritaire).
Il a rappelé que l'homme dénoncé à tort par les policiers encourait la perpétuité si le mensonge n'avait pas été dévoilé.
"Ce qui me désole, c'est qu'on renforce une guerre police-justice qui n'a pas lieu d'être", a abondé Clarisse Taron, présidente du Syndicat de la magistrature (SM, gauche).
Tous deux se sont étonnés de l'absence de réaction du ministre de la Justice, Michel Mercier. "On demande juste qu'il intervienne pour appeler à respecter les magistrats et leurs décisions", a souligné M. Régnard.
Selon la Chancellerie, "le garde des Sceaux ne souhaite pas alimenter la polémique" et "attend que la cour d'appel puisse se prononcer avec du recul et dans la sérénité sur cette affaire".
A gauche, les réactions n'ont pas tardé. Benoît Hamon, porte-parole du PS, a accusé Brice Hortefeux d'être "dans un registre de premier syndicaliste de la police". L'ancienne garde des Sceaux, Elisabeth Guigou, a jugé que ses déclarations "sont irresponsables".
"Critiquer publiquement le jugement (...) enfreint le principe (...) de la séparation des pouvoirs", a relevé le président d'honneur du PRG, Roger-Gérard Schwartzenberg.
Pour le PCF, M. Hortefeux "a gravement discrédité sa fonction de ministre de l'intérieur".
Cinq parlementaires UMP de Seine-Saint-Denis, dont le député Éric Raoult, ont en revanche apporté leur "soutien" aux policiers et au ministre.