
C'est une première en France : le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt vient de donner raison à un employeur qui avait licencié trois de ses salariés ayant critiqué son entreprise sur Facebook.
Le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt a estimé, ce vendredi, qu’un employeur pouvait désormais licencier ses salariés si ceux-ci s’étaient permis de critiquer son entreprise sur Facebook. Celui-ci n'est pas allé dans le sens des plaignants, pour qui il s’agissait de simples discussions privées.
"Désormais, tous les salariés qui ont l'outrecuidance d'utiliser Facebook pour s'exprimer devront se méfier", a déploré Me Grégory Saint-Michel, l’avocat de deux des trois salariés remerciés, à l’issue du verdict. Il a en outre souligné qu’il s’agissait d'une première en France qui ouvrait grand la porte à la délation dans les entreprises.
Au mois de décembre 2008, l’un des salariés avait écrit sur son profil Facebook appartenir à "un club de néfastes", dans une allusion à Alten, une entreprise française spécialisée en ingénierie pour laquelle il travaillait. Deux de ses collègues lui avaient alors répondu "Bienvenue au club". Un quatrième, également employé d'Alten, s’en était aperçu et avait averti la direction. Conséquence : les trois personnes ont été licenciées pour faute grave.
"Appel à la rébellion"
Deux d’entre eux saisissent alors le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt pour licenciement abusif. L’entreprise y défend sa décision, estimant que leurs remarques pouvaient être interprétées comme "un appel à la rébellion". Dans un premier temps, en mai dernier, la juridiction n’avait pas réussi à trancher et avait repoussé sa décision finale à ce vendredi. Cette fois-ci, les prud’hommes ont estimé qu'"avec l'accessibilité donnée [sur Facebook] aux amis des amis, la sphère privée [était] devenue publique".
"C’est une décision déplorable", regrette pour sa part un délégué syndical d’Alten, qui précise que, à aucun moment sur Facebook, le nom d’Alten ou du supérieur des salariés n’a été évoqué. "Toute cette histoire est, en fait, indissociable de la situation d'un service dans lequel régnait, à l’époque, une mauvaise ambiance et une remise en question du management", juge-t-il.
Ailleurs dans le monde
La France n’est pas le seul pays où des propos sur Facebook ont eu des conséquences fâcheuses pour la carrière de salariés. En fait, les cas commencent à se multiplier à travers le monde. Certains sont même devenus emblématiques :
- En avril 2009, une banque suisse licencie l'une de ses salariées qui utilisait Facebook alors qu’elle était censée être clouée au lit. Elle avait expliqué à son employeur que son état l’obligeait à rester dans le noir, loin de tout écran d’ordinateur.
- En novembre 2008, la compagnie aérienne Virgin Galactic avait, elle, très peu goûté une discussion de plusieurs membres de son personnel qui, sur Facebook, critiquaient les mesures de sécurité en vigueur sur ses avions. Treize personnes avaient alors été renvoyées.
- En mai 2010, une serveuse d’une petite pizzeria de Caroline du Nord a été congédiée parce qu’elle avait critiqué des clients sur Facebook durant son service. Alors que sa journée de travail s’achevait, elle avait dû attendre trois heures que les derniers d'entre eux se décident à partir.
- En novembre 2009, une école de Géorgie n’a pas apprécié de trouver sur la page Facebook de l’un de ses professeurs des photos sur lesquelles il semble goûter aux délices de l’alcool. L’enseignant avait démissionné après avoir été convoqué par le chef de l’établissement, mais avait ensuite poursuivi l'école, estimant qu'il avait été poussé à quitter ses fonctions.
Crédit : Flickr/laverrue